2-2-2- Un nécessaire dépassement des conflits. Une indispensable projection dans le temps.

Selon Piera AULAGNIER (1975, p. 194), il est nécessaire que le Je renonce aux "attributs de la certitude" pour advenir. Cependant, la possibilité de se représenter un avenir est une condition indispensable pour l'enfant, pour avoir le désir de poursuivre le parcours vers un "grandir", vers un "apprendre", etc.... Le projet identificatoire concerne ce que le Je espère devenir. ‘ "Cet espoir ne peut faire défaut à aucun sujet, plus même, il doit pouvoir désigner son objet dans une image identificatoire valorisée par le sujet et par l'ensemble.". Pouvoir s'inscrire dans un devenir, dans une image idéale, tout aussi bien que pouvoir faire référence au passé, est une condition indispensable pour pouvoir"énoncer sur un temps actuel." ’ (id., p. 195) En absence de réponse, " le Je se dissout dans l'angoisse" (ibid). Quel est ce projet? C'est la ‘ "construction d'une image idéale que le Je se propose à lui-même."(ibid).

Qu'en est-il pour un "Je professionnel"? Comment échappera-t-il aux angoisses d'un présent qui ne le satisfait pas, comment se construira-t-il un avenir qui soit plus en accord avec ses connaissances et ses convictions? De quelle manière pourra-t-il renoncer à ce qu'il est aujourd'hui, comment pourra-t-il se lancer, sans savoir ce qu'il deviendra demain? Situation étrangement connue, qui est celle de tout "apprenant", et celle de tout enfant...

Le devenir de la rééducation dépendra étroitement des oppositions rencontrées, des tensions qu'il aura fallu assumer, dépasser. Quels repères le rééducateur va-t-il se donner pour prendre une route, selon quelle direction? George MAUCO (1975) reportait ses espoirs déçus, sur la création des GAPP à l'intérieur de l'école. Il pensait que ce GAPP pouvait être l'occasion d'une articulation possible entre difficulté et normalité, faisant échapper ainsi l'échec scolaire à une médicalisation abusive des troubles. Cependant, en 1975, il exprime ses craintes envers la forme prise par cette nouvelle structure d'aide, en constatant que les ‘ "GAPP, s'ils sont restés dans le cadre de l'Education Nationale, celle-ci leur a imposé le carcan d'une action pédagogique de réadaptation traditionnelle, et de psychologie primaire n'apportant pas aux maîtres et aux parents la nécessaire compréhension de la vie affective inconsciente." ’ (p. 20)

Tout espoir reste possible selon lui, à certaines conditions cependant. Les rééducateurs, pense-t-il, peuvent reprendre à leur compte cette approche psychopédagogique, et non médicale, des troubles scolaires de l'enfant, à condition d'une formation adéquate, à condition également que l'Education Nationale ne leur impose pas une "chasse aux débiles" (id., p. 20), ou la recherche d'une adaptation ou réadaptation scolaire à tout prix, si elle ne leur impose pas le carcan d'une action pédagogique. Ils devraient pouvoir assurer la relève des centres psychopédagogiques dans le cadre scolaire. Il leur sera nécessaire pour cela d'étayer leur action, sur une connaissance de la vie affective et intellectuelle de l'enfant, et notamment de son inconscient, à partir duquel il se construit.

Si les GAPP ne répondent pas, dans leur forme première, aux attentes du responsable de l'ancienne équipe du Centre psychopédagogique Claude Bernard, leur "devenir" correspondra-t-il plus à ce qui était espéré?