3-1-2- "Débilité": nécessité d'interroger l'histoire du sujet, dans la construction de ses relations au monde.

Le manque de capacités intellectuelles est un concept renouvelé et relativisé. Le concept de "débilité" remplace celui "d'arriération" en ce qui concerne les "degrés les moins importants". (MIDENET et FAVRE, 1975). La définition du mot "débilité", du latin debilis, renvoie à une "faiblesse" de la constitution physique, à un manque de vigueur. Par extension, en psychiatrie, c'est un état dû à l'insuffisance du développement intellectuel.Le terme d'arriération est conservé comme terme générique, mais on distingue alors, selon le critère du quotient intellectuel, différentes gradations:

de 0 à 30 arriération mentale profonde
de 30 à 50 débilité mentale profonde
de 50 à 65 débilité mentale moyenne
de 65 à 75 débilité mentale légère
de 75 à 85 niveau mental limite

Les psychologues sont avertis du ‘ "caractère fallacieux et du quotient intellectuel et d'une étude psychologique s'intéressant exclusivement au développement de l'intelligence." ’ (MIDENET et FAVRE 1975, p. 60). Il est précisé en outre que ‘ "de moins en moins d'auteurs et de médecins admettent que le quotient intellectuel est quelque chose de constitutif de la personnalité."(id.). L'intégration progressive des apports de PIAGET et de WALLON , ou de ceux de la psychanalyse, concernant la construction de son intelligence par l'enfant, fait admettre d'une manière généralisée, que cette élaboration s'effectue sous l'action conjuguée des forces personnelles de l'enfant, et de la stimulation de son entourage. Elle contribue de ce fait à réfuter la conception d'un caractère inné et définitif de l'intelligence.

Il devient de même couramment admis que les résultats d'un patient aux tests peuvent varier, d'une part avec le genre de test utilisé, et, d'autre part, avec les conditions de la passation. Des facteurs comprenant la part d'émotivité du patient, celle de sa volontaire participation ou non au test, la qualité relationnelle entre le psychologue et le patient, etc,...peuvent intervenir et modifier considérablement les résultats obtenus. René ZAZZO met l'accent sur l'hétérochronie possible des capacités intellectuelles 142 , et MISES développe des travaux sur la dysharmonie évolutive. Ces deux approches mettent en évidence la dimension dynamique de la conception de l'intelligence.

Selon René ZAZZO (op. cité, p. 1), trois facteurs caractérisent la débilité: un déficit intellectuel global, congénital, irrécupérable. Dès que l'un des facteurs manque, on a affaire à une pseudo-débilité . Citant Edgar DOLL (id. p. 5), il rappelle que, selon celui-ci, quatre critères définissent la débilité:

  • l'incompétence sociale (critère de PORTEUS),
  • le retard intellectuel,
  • l'arrêt prématuré du développement,
  • l'origine congénitale du déficit.

C'est dire que ce déficit est "pratiquement incurable" (id., p. 6).

Il existe une diversité de formes de débilités. René ZAZZO insiste pour que l'on prenne en compte ‘ "toute une série de causes qui tiennent au jeu des lois physiologiques et à la diversité des situations plus ou moins défavorables dans lesquelles l'enfant a vécu"(ibid. p. 16), avant de poser un diagnostic de débilité. Un enfant avec 70 de QI n'est pas forcément débile 143 .

Reconnaître les limites de la méthode des tests, la prive du caractère de scientificité absolue que l'on aurait souhaité lui voir prendre. Le rêve de psychologie scientifique, dans un registre médical qui a besoin de nosographies précises et bien répertoriées, y rencontre ses limites. La rencontre clinique et les informations obtenues à travers celle-ci, retrouvent la première place de toute thérapeutique ou de toute aide à la personne en difficulté.

Remettre en question les nosographies établies, concernant les troubles mentaux ou la catégorisation des enfants débiles, contribue à remettre en cause l'exclusion de certains enfants, du centre du système.

Hors Education Nationale, les orthophonistes "rééduquent" les enfants en difficulté scolaire, et tout particulièrement lorsque leurs difficultés touchent le langage oral et écrit. Un orthophoniste, Claude CHASSAGNY, tente de prendre en compte la dimension relationnelle du langage et de ses troubles.

Notes
142.

René ZAZZO La débilité mentale. Tirage à part, non daté, document "Centre de formation des maîtres pour l'éducation spécialisée et l'adaptation scolaire", option RPP, Lyon, 1970-1971.

143.

Nous avions relevé les conclusions de Michèle PERRON-BORELLI (1968), très proches de celle de René ZAZZO, concernant la nécessité de prendre en compte l'histoire du sujet, avant tout diagnostic de débilité.