La rééducation: une place spécifique à occuper et à tenir, celle d'un "tissu conjonctif", d'un interface, d'un "entre-deux". Est-ce un lieu de "crise"... ?

Nous avons appris que les "crises" n'ont pas manqué, provoquées par les géniteurs eux-mêmes, c'est-à-dire l'Institution scolaire. Depuis la création des GAPP, aucune année scolaire, peut-être, n'a pas connu des rumeurs, des "bruits"...éradication radicale des structures, transformations, réformes en cours d'étude, de la fonction elle-même, ou de la formation des rééducateurs...

Nous avons relaté la crise, profonde, qui a marqué les années 1988-1990, menaçant l'existence même de la rééducation, jetant le désarroi parmi les rééducateurs. D'autres crises, d'autres menaces, l'ont précédée, d'autres suivront. L'année 1996-1997 sera marquée par de nouvelles menaces, par des "mi-dires" tout aussi précis et imprécis à la fois.

La crise est-elle endémique d'une position "en marge", et la fonction "d'instance de recours" met-elle structurellement ces instances dans une situation périlleuse? C'est ce que semble affirmer Jean GUILLAUMIN (1979), par exemple. Cet auteur qualifie les lieux de l'aide, de la formation, du soin, ou de l'aide sociale, de "tissus conjonctifs", "interstitiels". ou de "cartilages de conjugaison", destinés à créer des liens entre des structures fixes, rigides. Pour accueillir une "marginalité largement entendue", ils doivent être ‘ "relativement mous et à peine esquissés, effervescents" et offrir "une plasticité" ’ suffisante (id.). ‘ "Rien d'étonnant dès lors à ce que la crise puisse être ici latente en permanence, ou endémiquement manifeste. Ni à ce que les forces intérieures et extérieures y agissent pour faire craquer ou au contraire pour souder les berges séparées de l'espace conteneur déboîté, c'est-à-dire les parties ossifiées du squelette social", poursuit l'auteur (ibid.).

Les praticiens parviendront-ils à ne pas se laisser "prendre" dans des mouvements oscillatoires mortifères qui relèvent directement du registre des dualités imaginaires? En ce qui concerne les rééducateurs, cette bascule qui les menace, est de rejoindre un "plus pédagogique", voire "un TOUT pédagogique", comme l'institution scolaire leur enjoint régulièrement de le faire. Les circulaires en provenance du ministère de l'Education Nationale, que nous avons relatées, nous en apportent le témoignage "officiel". Cette bascule les entraînerait à renoncer à aider des enfants pour lesquels la nature des difficultés impose d'interroger des connaissances psychologiques ou psychanalytiques, laissant à d'autres, extérieurs à l'école, le soin de le faire, d'une manière différente de ce qui peut - et doit? nous aurons à le montrer,- être fait à l'école.

Les rééducateurs parviendront-ils à articuler une troisième voie qui, en rendant effective la symbolisation de leur place et de leur fonction dans l'école, leur permettra d'échapper à de nouvelles bascules, préjudiciable pour tous, mais en premier lieu pour les enfants en difficulté à l'école?

Si nous nous référons à ce qu'ont démontré tous ceux qui se sont consacrés aux périphéries du système, la tension née des oppositions, l'écart qui y est corrélé, sont conditions de créativité. Si la pulsion de mort fige et immobilise, ces oppositions et ces tensions, même si les praticiens s'en plaignent parce que sources d'inconfort et d'inquiétudes, même s'ils s'efforcent de les gérer, de les élaborer, et de les dépasser, restent toujours sous-jacentes et prêtes à resurgir. Ne sont-elles pas garantes que les choses continuent, ne s'immobilisent pas, que la lutte entre la pulsion de vie et la pulsion de mort se poursuit? Ne témoignent-elles pas que la créativité des hommes l'emportera sur l'immobilisme des cadres institutionnels ? Dans "une marge" fragile, d'entre-deux, d'interface, en écart, la nécessité de définition constante de leur pratique et de leur identité peut-elle être propice à la créativité des rééducateurs?

La nécessité pour le rééducateur d'argumenter de sa spécificité, de sa fonction, de son rôle, de sa place, de son identité, "auprès des différents partenaires du système", comme le lui rappelle le "référentiel de compétences" publié en avril 1997, sous-entend qu'il doit aussi justifier de l'efficacité de son action. Le ministère de l'Education Nationale a tenté à trois reprises cette évaluation. Nous en avons relaté deux, la troisième datant de 1996-1997 214 .

Notes
214.

Rapport dit "GOSSOT", qui restera "confidentiel".