L'échec scolaire: un phénomène "multifactoriel".

Si nous reprenons l'expression utilisée par Jean-Louis DUCOING en conclusion de son enquête 232 , c'est qu'elle correspond à ce que la plupart des théoriciens de l'éducation s'accordent à reconnaître aujourd'hui: il n'y a pas un facteur qui "expliquerait" l'échec d'un enfant, mais, la plupart du temps, une constellation de facteurs qui interfèrent, s'enchevêtrent, se conditionnent les uns les autres. ‘ "L'élève en échec voit (...) à son chevet, se disputer les pédagogues (...). Ils opposent les influences socio-affectives, les choix didactiques et l'adéquation aux stratégies cognitives des élèves; pour certains d'entre eux, c'est la relation avec le maître qui est cause de tout, pour d'autres, c'est la méthode utilisée qui est déterminante, pour d'autres, enfin, c'est la prise en compte du sujet connaissant qui est insuffisante....Le plus souvent, malheureusement, ces propositions sont exclusives et se durcissent jusqu'à considérer les autres points de vue comme dangereux et il est vrai qu'ils le sont dans la mesure où, chacun à leur manière, ils excluent la "tierce réalité" et sont menacés de dangereuses dérives."(MEIRIEU, 1988, p. 154).

Guy AVANZINI (1967, p. 185), décrit la surdétermination du symptôme "échec scolaire". Les raisons en sont multiples, s'enchevêtrent, deviennent indissociables, découlent les unes des autres: ‘ "par exemple un insuccès dû à des motifs pédagogiques entraîne des conflits avec la famille, dont il altère le climat; désormais, la mauvaise relation entre les parents et l'enfant constitue un facteur supplémentaire d'échec. Il se produit un enchevêtrement des causes."

On peut en déduire que tout symptôme "échec scolaire", apparaît chez un enfant particulier, à un moment spécifique de son histoire, dans un contexte familial et socio-culturel, et s'inscrit dans un cursus scolaire singulier . Cette situation rend d'autant plus difficile et délicat le "traitement" de l'échec scolaire. Ce dernier va, de ce fait, dépendre de la recherche des priorités au niveau des besoins de l'enfant, et ce sur quoi il est possible d'agir. Certains facteurs (conditions de vie, conditions familiales, facteurs socio-culturels...) échappent à une aide, à l'école du moins. D'autres facteurs, au contraire, peuvent être, ou devenir, de la responsabilité de l'enfant.

Des difficultés inhérentes au parcours même de l'enfant, des difficultés au niveau de son inscription active dans l'école, au niveau de la construction de son identité sociale et de sa fonction assumée d'élève qui apprend et d'écolier qui peut nouer des relations sociales appropriées, peuvent être impliquées dans son échec ou ses difficultés. Certains enfants rencontrent des difficultés dès leurs premiers contacts avec l'école maternelle: difficultés de communication, difficultés relationnelles, difficultés d'adaptation à ce nouveau milieu et à ses exigences, non compréhension de ce qui est demandé, incapacité d'y répondre. Ils vivent, lors de ce qui devrait être leurs premières expériences de socialisation, une perte des repères, un affolement, de l'angoisse. Ces affects peuvent se traduire par un repli ou de l'agitation, des pleurs incoercibles, un comportement qui les enferme un peu plus dans leurs difficultés. Ces difficultés, si elles ne sont pas résolues lors de leur entrée au CP, compromettent gravement la manière dont ils vont pouvoir aborder les apprentissages...

Dès lors qu'il connaît des difficultés dans son rapport à l'école, dans son rapport aux apprentissages, l'enfant se heurte aux normes scolaires.

Notes
232.

Jean-Louis DUCOING (1987). Nous avons évoqué cette enquête dans le chapitre IV, point 3-3-3.