2-4- Interroger les normes qui régissent nos actes. De l'utilité des normes.

Henri LABORIT (1976, p. 89), souligne "l'illusion de liberté" qui nous anime, et insiste sur la difficulté que nous rencontrons à démêler déterminisme et liberté. ‘ "En réalité, ce que l'on peut appeler "liberté", si vraiment nous tenons à conserver ce terme, c'est l'indépendance très relative que l'homme peut acquérir en découvrant, partiellement et progressivement, les lois du déterminisme universel. Il est alors capable, mais seulement alors, d'imaginer un moyen d'utiliser ces lois au mieux de sa survie..."(id., p. 91), et de sauvegarder son désir de sujet, grâce à son imagination créatrice.En comprenant mieux les mécanismes comportementaux qui nous déterminent, nous accédons ‘ "immédiatement, sans effort, sans tromperie langagière, sans exhortations humanistes, sans transcendance, à la notion toute simple de tolérance."(ibid, p. 96).

S'interroger sur les normes en vigueur dans l'environnement dans lequel on est amené à vivre, et éventuellement prendre une certaine distance par rapport à elles, nécessite, pour quiconque, une capacité de liberté intérieure et d'autonomie. Mais c'est aussi la condition nécessaire pour pouvoir se rendre créatif.

Si certains n'échappent pas à la tentation de juger les autres sur des normes statistiques ou idéologiques, faut-il verser dans l'excès inverse qui est de se déclarer "allergique" à tout dérivé du mot "norme"? Ces deux positions ne sont-elles pas des positions défensives? Une troisième position consiste à passer de l'une à l'autre, dans un ‘ "mouvement pendulaire d'annulations successives". Cette attitude"risque non seulement de rendre ces gens muets, mais surtout de leur faire perdre tout courage scientifique ou toute puissance de recherche."(BERGERET, 1985, p. 14 et 15). S'opposer à toutes formes de normes est, selon cet auteur, s'opposer en même temps et de façon automatique à la notion de normalité. Cela ‘ "revient à se mettre subtilement au service de l'instinct de mort." ’ (id., p. 15). Certaines normes sont nécessaires pour vivre avec les autres, pour vivre en société, pour accéder à la culture, pour apprendre...Les refuser, semble conduire à des impasses, à l'immobilisme, et conduire à une forme de mort psychique, cognitive, relationnelle ou sociale.

Si l'on se réfère à l'étymologie du mot "norma", le terme latin désignait dans un premier temps l'outil de l'architecte appelé en français "équerre". Il s'agissait d'indiquer la direction souhaitable pour que l'édifice en construction soit solide, en équilibre. Cette notion d'équilibre apporte un éclairage fondamental sur l'utilité, sur la nécessité de l'existence de normes. Certains enfants éprouvent des difficultés qui paraissent insurmontables, à accepter, intégrer les normes qui régissent la lecture, l'écriture, l'orthographe, la vie en collectivité, et se retrouvent en grande difficulté d'apprentissage cognitif et social, en grande souffrance. Quelle articulation peut-on faire entre ce refus, ou cette impossibilité à être "dans les normes attendues" par le contexte, et "l'a-normalité", voire le handicap?