On peut être en difficulté, en échec, "hors des normes attendues", sans pour autant "être anormal" ou que les troubles relèvent du handicap.

Cette assertion banale, que personne ne réfute en théorie, est pourtant souvent remise en cause dans la pratique, lorsque les élèves rencontrent des difficultés dans leur parcours, et lorsque celles-ci se prolongent. Il semblerait en conséquence tout à fait nécessaire que tout pédagogue clarifie sa position par rapport aux normes et aux dogmes en vigueur dans l'école, par rapport à ses exigences concernant les attitudes et les comportements des élèves qu'il accepte ou qu'il n'accepte pas, par rapport aux programmes imposés, par rapport aux rythmes d'acquisition en usage dans l'école, etc...Il en va de la cohérence de sa pratique, mais aussi des repères stables et structurants qu'il peut offrir aux élèves. Il en va aussi de la définition des demandes d'aide qui sont adressées aux aides spécialisées. Que dire, lorsqu'un enseignant formule des demandes d'aide pour plus de la moitié des élèves de sa classe? La norme est aussi une réalité à laquelle est confrontée toute instance d'aide. D'une école à l'autre, d'un maître à l'autre, les exigences et les tolérances évoluent. L'enseignant spécialisé, qui est confronté à des situations a priori "hors normes", par sa rencontre avec des enfants qui ne sont pas dans les normes admises d'une classe donnée, ou d'une école, ne peut pas ne pas s'interroger, être au clair pour lui-même et vis à vis des autres, enfant, parents et enseignants, par rapport aux exigences normatives qu'il importe à l'enfant d'intégrer pour pouvoir apprendre, pour pouvoir s'inscrire dans la société.

Cependant, si la difficulté n'est pas synonyme de pathologie, si elle diffère du handicap, où situer la frontière?

L'enfant handicapé est par définition un enfant qui "n'est pas dans les normes" physiques, ou sensorielles, ou intellectuelles. La circulaire d'avril 1990 rappelle que le réseau d'aides spécialisées, et en son sein le rééducateur, s'adresse spécifiquement et prioritairement aux élèves qui ‘ "éprouvent des difficultés à satisfaire aux exigences d'une scolarité normale, difficultés qui ne peuvent être considérées comme des handicaps avérés." ’ ( p. 1040). Une distinction est ainsi faite dans les textes entre "élèves en difficulté" et "élèves handicapés" . Les textes définissant les missions des rééducateurs semblent donc s'appuyer sur une séparation entre un enfant "normalement intelligent" dont la difficulté est passagère, "ordinaire", et un enfant dont le handicap permanent fournit des éclairages explicatifs à ses difficultés à l'école.

Certaines atteintes neurologiques, physiologiques, des difficultés psychiques qui relèvent de la pathologie, peuvent atteindre l'intégrité de l'enfant au point de constituer un obstacle majeur à son insertion dans le système scolaire ordinaire. Ces pathologies sont heureusement très minoritaires. ‘ "Pas plus de 1,5 % d'enfants handicapés dans chaque tranche d'âge, présentent des déficiences avérées" ’ ( DARRAULT, 1992, p. 14). Où en est-on aujourd'hui de la conception du handicap? Si le réseau d'aides n'a pas pour mission d'aider les élèves "handicapés", sur quels repères va-t-on pouvoir effectuer cette discrimination?