Quelle définition du "handicap" aujourd'hui? Qu'en est-il des "normes intellectuelles"? Quelles réponses?

L'obligation scolaire avait eu comme effet la naissance d'un nouveau problème pour l'enfant: son échec éventuel à l'école. Les tests de "mesure de l'intelligence" de BINET et SIMON et de leurs successeurs avaient étayé pendant longtemps les décisions d'orientation des élèves "inadaptés" au système scolaire et fourni des explications à leur échec, comme des arguments à leur orientation en marge de celui-ci. Les critiques furent nombreuses, tant en ce qui concerne l'utilisation des tests et la réalité de leurs mesures, qu'en ce qui concerne, nous l'avons évoqué, l'exclusion systématique des élèves du centre de l'école. Des mouvements, venus d'horizons divers, ont conduit à interroger des concepts comme celui de handicap. La déficience intellectuelle, parmi les handicaps, est corrélée fortement avec l'échec ou les difficultés d'apprentissage. Nos analyses de la première partie, nous ont amenée à évoquer l'évolution de l'appréhension du handicap intellectuel. Nous proposons donc ici un rappel rapide de ce qu'il en est aujourd'hui, dans la mesure où cette question est présente à l'esprit de toute personne confrontée à une difficulté scolaire importante de l'enfant, et lorsqu'un doute subsiste quant à l'efficience intellectuelle de celui-ci. Comment définit-on et détermine-t-on cette déficience, actuellement?

Notre objet dans cette recherche n'est pas de discuter du bien fondé des positions qui partagent les tenants de l'inné ou de l'acquis des capacités intellectuelles de l'enfant. Depuis que l'on s'est intéressé à la question de la difficulté scolaire, l'hypothèse d'une hérédité, celle d'un programme génétique égal ou inégal au départ entre les enfants, continue à nourrir les débats. Ces derniers se sont vus alimentés ces dernières années par les découvertes récentes dans le domaine des neurosciences. Par contre, tous s'accordent à penser aujourd'hui que le premier environnement, ainsi que les événements vécus par l'enfant dans son histoire, influencent de manière décisive les attitudes et le développement des capacités nécessaires à cet enfant pour s'inscrire dans la culture et la société. Des constats cliniques répétés ont mis en évidence que certains processus psychiques défensifs peuvent conduire l'enfant à se construire "une fausse débilité". Une conséquence en a été la remise en question du mouvement qui aurait conduit auparavant à marginaliser ou à exclure ces enfants du système scolaire ordinaire, et à les orienter vers un établissement spécialisé. La "catégorisation" des enfants a connu une importante évolution, modifiant par là même toute l'organisation des structures d'accueil, et ramenant à l'école des enfants qui en étaient exclus auparavant, opposant à une politique d'exclusion systématique à l'égard des enfants qui n'étaient pas "conformes" aux attentes de l'école, la quasi nécessité pour celle-ci de revisiter le postulat de l'éducabilité cognitive.

La notion de débilité, avec la connotation de "faiblesse" physiologique, musculaire et mentale, a laissé la place à celle de "déficience". Les normes de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) 239 , redéfinissent la notion de handicap, qu'il soit psychologique, physiologique ou anatomique. En ce qui concerne la déficience intellectuelle, la norme se réfère à la mesure du quotient intellectuel des sujets (QI). Les déficiences sont catégorisées en:

QI < 20
retard profond
20 < QI < 35
retard sévère
35 < QI < 49
retard moyen
50 < QI < 70
retard mental léger

Ainsi, les valeurs limites du QI ont été abaissées par rapport aux normes OMS en usage en 1975 240 . L'analyse officielle faisait ressortir un pourcentage de 1,5 à 2 % d'enfants atteints de handicap réel, alors que 3,5 % de ces enfants étaient accueillis par les Instituts Médicaux Educatifs (IME) en 1989. Les structures spécialisées accueillent désormais les enfants dont le QI est inférieur à 70. Le handicap , selon la norme OMS de 1989, résulte de la conjonction de trois facteurs. Ce sont la déficience , l'incapacité , qui concerne l'aspect fonctionnel du handicap, et le désavantage , qui correspond à l'aspect situationnel, social de ce handicap.

Il est admis aujourd'hui que les résultats d'un test donnent une représentation parcellaire d'un sujet. Un syndrome, sous la forme d'une constellation d'éléments, est reconnu plus significatif et plus fiable qu'une seule évaluation du QI (quotient intellectuel), dans le diagnostic de déficience mentale. Il s'agit de tenter de discriminer une déficience "vraie" d'une inhibition du développement, d'un blocage, chaque élément pris séparément n'étant pas suffisamment significatif. Le QI devient un élément parmi d'autres, et n'a de valeur que parmi d'autres éléments, dans l'ensemble d'un tableau clinique. La dimension dynamique de la déficience est mise en évidence, et la constance ou la dispersion des résultats d'un enfant à différents tests, et de plus, à des périodes différentes, apportent des indices qui priment sur le chiffrage du QI. Les textes officiels de 1990 préconisent d'ailleurs l'usage d'une batterie de tests. Il est rappelé également que ‘ "les résultats des examens individuels prennent place dans l'ensemble des données" 241 . Nombre de psychologues adjoignent aux "tests d'intelligence générale" des tests dits projectifs ou de personnalité, pour tempérer ou éclairer les résultats obtenus par le sujet, par des éléments d'information concernant son développement affectif ou ses difficultés éventuelles dans ce registre. Les entretiens avec l'enfant et sa

famille viennent compléter la connaissance de la problématique de l'enfant.

Depuis la Loi d'orientation de 1975, une politique d'intégration des enfants handicapés dans l'école "ordinaire" a cherché à s'étendre. Aujourd'hui, des établissements spécialisés continuent d'accueillir les enfants dont le handicap est tel qu'ils ne peuvent fréquenter cette école "ordinaire", mais les autres peuvent être accueillis depuis 1989 dans les CLIS 242 . Les enfants dont le QI est supérieur à 70, sont désormais accueillis à l'école ordinaire. Ils sont considérés, le cas échéant, comme étant en échec ou en difficulté scolaires. Ces enfants pourraient être aidés alors, par leur maître, par l'intervenant du réseau d'aides chargé de l'aide spécialisée à dominante pédagogique, ou par le rééducateur. Cependant, si les enfants ne sont pas handicapés, leurs difficultés peuvent-elles être expliquées par une pathologie relevant de leur fonctionnement psychique, qui renverrait, alors, à des soins, extérieurs à l'école?

Notes
239.

confirmées par le Bulletin Officiel n°8 du 23-02-89.

240.

présentées au chapitre IV, point 3-1-2.

241.

Circulaire du 9 avril 1990, Missions des psychologues scolaires. B.O. n° 16, p. 1039.

242.

Nous avons évoqué ces classes dans notre première partie, chapitre IV, point 3-4-1.