3- L'enfant en difficulté scolaire: une énigme. Comment se repérer entre "normalité" et "pathologie" psychique ?

Un constat s'impose: certains enfants dont le handicap intellectuel n'apparaît pas d'emblée aux examens psychologiques, ne peuvent malgré tout s'adapter à l'école, développer leurs potentialités, et être heureux dans le système scolaire ordinaire . Ce sont ces enfants dont le ministre de l'Education nationale disait que ‘ "nous connaissons tous de ces "élèves qui échouent à l'école alors que leurs possibilités sont réelles." 243 .

La question reste donc entière de la compréhension de la nature de leurs difficultés, comme de l'aide la plus appropriée à leur proposer. Leurs difficultés relèvent-elles alors d'une "pathologie" au niveau du fonctionnement psychique? Auquel cas, "si la difficulté de cet enfant est "pathologique", le traitement ne doit pas avoir lieu à l'école, qui n'est pas lieu de soin", affirmera-t-on. On ne peut qu'admettre cette position, en soi, car il est irréfutable que l'école n'est pas lieu de soin. Mais quel est le sens de "pathologique"? Cette appellation est pourtant utilisée d'une manière banale dans les recherches de catégorisation des difficultés. Elle est requise pour différencier en particulier les aides "dans l'école" et les aides "à l'extérieur de l'école". Est-elle pertinente? Comment se repérer, lorsque l'on est confronté à la difficulté d'un enfant?

S. FREUD a mis en évidence le continuum entre normal et pathologique, la distinction entre les deux états correspondant plus à une différence de degré que de nature. Le passage de l'un à l'autre est toujours possible. On connaît bien sa position à cet égard: ‘ "Un des résultats les plus précieux de nos investigations psychanalytiques est de montrer que les névrosés n'ont pas de contenu psychique particulier, qui leur appartienne en propre, mais que, comme le dit C. G. Jung, les complexes qui les rendent malades sont ceux-là même contre lesquels nous, hommes sains, nous combattons. La différence est simplement que les personnes saines savent maîtriser ces complexes sans gros dommages décelables pratiquement, alors que les névrosés ne réussissent la répression de ces complexes qu'au prix de formations substitutives coûteuses, donc pratiquement n'y réussissent pas. Névrosés et normaux sont encore naturellement beaucoup plus proches les uns des autres dans l'enfance qu'ils ne le seront ultérieurement."(1907-1931, ed. 1969, p. 15).

Que retenons-nous tout particulièrement de cette affirmation, pour les questions qui nous préoccupent: la connaissance des "frontières" entre le normal et le "pathologique"? Il apparaît que:

  • chacun de nous doit s'affronter à des conflits internes, les "maîtriser", les contenir, les dépasser.
  • l'enfant, tout particulièrement, est sujet à ces conflits psychiques, car il doit en régler un grand nombre afin de pouvoir "grandir".

Sigmund FREUD ajoute plus loin, insistant sur cette absence de "frontière": ‘ "...aucune frontière nette n'existe entre les "nerveux" et les "normaux", enfants ou adultes; (...) la notion de "maladie" n'est qu'une valeur purement pratique (...); la prédisposition et les éventualités de la vie doivent se combiner afin que le seuil au-delà duquel commence la maladie soit franchi;..."(id., p. 197).

La question est complexe, et il apparaît difficile de se donner des repères...A la question: "Comment repérer la frontière entre normalité et pathologie?", il semble bien que l'on puisse répondre, en se référant à FREUD:

Notes
243.

Discours du ministre de l'Education nationale, de la jeunesse et des sports, du 15 février 1990. Une nouvelle politique pour l'école primaire. Bulletin Officiel de l'Education Nationale, n° 9, du 1er mars 1990.