3-2- Quels repères peut-on se donner ? De la "normalité" et de "l'adaptation". Ces deux concepts renvoient au sujet et à ses capacités créatives.

CANGUILHEM (1966, p. 44), renvoie au sujet lui-même et à ses relations avec le monde. Le seul repère est"l'individu lui-même dans des situations identiques successives ou des situations variées" ’. Si les limites entre normal et pathologique ne sont ni tranchées ni objectivables pour permettre une catégorisation des sujets, il semblerait que la normalité puisse se définir par les relations du sujet avec son contexte. Cette voie conduit à confronter cette interrogation sur la "normalité" avec les concepts d' adaptation et d' inadaptation qui ont été choisis pour définir l'enseignement et l'éducation s'adressant à "l'enfance inadaptée".

Le concept d'adaptation, cependant, est porteur de deux acceptions contradictoires. La première compréhension du terme, se réfère au concept de "norme" que nous venons d'interroger. Il s'agit d'adapter des sujets à l'école, au travail, afin de fournir à la société les "objets" adaptés dont elle a besoin pour que les rouages sociaux et professionnels continuent de fonctionner. Il n'est pas question ni recommandé de faire preuve d'esprit critique, d'initiative, d'autonomie, etc...La seconde acception consiste à permettre à un sujet d'exprimer et de réaliser son désir, tout en référant celui-ci au principe de réalité, l'aidant ainsi à échapper aux pièges de l'imaginaire, aux embûches de la toute-puissance ou de l'impuissance.

De telles acceptions opposées, montrent bien que cette question de "l'adaptation" de l'enfant à l'école, si elle est toujours sous-jacente, de manière explicite mais plus souvent implicite, aux objectifs éducatifs ou rééducatifs et aux pratiques, est un sujet délicat, qui soulève interrogations, suspicions, inquiétudes, réserves...Et pourtant, elle mérite qu'on s'y arrête. L'adaptation est-elle synonyme de conformisme, de soumission, ou bien peut-on l'entendre autrement, comme faisant partie du processus même du "grandir" de l'enfant? Nous reviendrons sur les processus qui permettent à un enfant de "s'adapter" au contexte dans lequel il est appelé à s'inscrire. Ces processus permettront de mieux comprendre la nature de ses difficultés, comme la nature de l'aide à lui apporter. Au point où nous en sommes de nos analyses, nous nous contenterons donc de nous demander ce qui permet de repérer l'adaptation ou l'inadaptation du sujet à ce contexte, dans son articulation avec la question de la "normalité" ou de la pathologie, c'est-à-dire, de ce qui relève du champ de l'école, ou du registre du soin.