"Normalité", "adaptation". Quelles définitions ?

L'étymologie latine "adaptare", vient de "aptus", apte, ajustement d'une chose à une autre. Il s'agit d'abord de "mettre en accord". Dans ses connotations médicales, "l'adaptation" ou la "ré-adaptation" est reprise, réparation, comblement, réajustement. L'ergothérapeute ajuste au plus près l'outil qu'il propose à son patient pour compenser son handicap. Il existe des stratégies pour "réadapter" un ancien malade à un poste de travail, ou bien pour "adapter" un poste de travail à un handicapé. Le délinquant est considéré comme "ré-adapté" à la société lorsqu'il se soumet aux lois de celle-ci. Une compréhension étroite du concept d'adaptation, issue du domaine juridique, évoque l'idée de soumission aux normes du contexte, sans possibilité d'interrogation de celles-ci. "Adaptation" renvoie au pôle opposé "inadaptation". C'est le manque, la défaillance, qui ont révélé l'inadaptation du sujet à son environnement. C'est avant toute chose le regard des autres qui juge de notre adaptation au milieu. Quand il n'est question ni de médecine ni de justice, que peut-on entendre par "adaptation"? On sait que désormais il sera nécessaire de disposer de capacités d'adaptation pour pouvoir suivre l'évolution des technologies nouvelles, pour pouvoir changer d'employeur ou de profession plusieurs fois dans une vie par exemple. Ces deux concepts interrogent en retour ceux de "normalité" et "d'anormalité", celui de pathologie, qui se réfèrent tous trois à celui de "norme". La boucle est bouclée. De tels concepts, intriqués, paraissent bien subjectifs et difficilement utilisables comme repères à la pratique professionnelle, laquelle pourtant bute sur eux à chaque détour de l'analyse d'une demande d'aide pour un enfant, du moins dans le système scolaire.

Nous suivrons encore Jean BERGERET (1985, p. 18 à 21), lorsqu'il relate diverses acceptions de ces concepts, en choisissant celles qui correspondent à notre champ de recherche.

  • E. MINKOWSKI (1938) souligne la subjectivité de la notion de norme. Il met l'accent sur la relation aux autres .
  • Pour G. CANGUILHEM (1966), "normalité" serait synonyme "d'adaptation" .
  • C.G JUNG (1913) compare les notions d' adaptation (pour lui, se soumettre à son entourage), d' insertion (liée à la seule notion d'environnement) et de normalit é, qui correspondrait à une insertion sans frictions, destinée simplement à remplir des conditions objectivement fixées.

Ainsi, selon ces définitions, adaptation et socialisation seraient des indices de la "normalité" d'un sujet. Il s'agit pour celui-ci, dans un processus de socialisation continu, d'intérioriser les éléments socio-culturels de son milieu, en les intégrant à la structure de sa personnalité. L'adaptation de l'enfant au monde est-elle soumission, conformisme, acceptation des dogmes ?

  • WINNICOTT (1971) oppose une adaptation active, créative, à une adaptation passive, soumise.
  • D. ANZIEU (1959) décrit la normalité comme une attitude sans anxiété vis à vis de l'inconscient...une aptitude à faire face aux inévitables manifestations de cet inconscient dans toutes les circonstances où la vie peut placer l'individu.
  • R. DIATKINE (1967) propose un repère d'anormalité dans le fait pour le patient de "ne pas se sentir bien" ou de "ne pas être heureux". Il insiste d'autre part sur l'importance des facteurs dynamiques et économiques internes au cours du développement de l'enfant, sur les possibilités d'adaptation et de récupération, la tendance à la limitation ou à l'extension de l'activité mentale, les difficultés rencontrées dans l'élaboration des fantasmes oedipiens. Toute situation nouvelle pour l'individu remet en cause son équilibre psychique. René DIATKINE range du côté des éléments fâcheux pour le développement du sujet toutes les restrictions d'activités et d'opérations mentales nouvelles, en particulier les systèmes répétitifs, plus ou moins irréversibles.