3-3- Les concepts de "normalité" et "d'adaptation", renvoient au sujet, et à sa manière d'être au monde.

Comment se repérer entre des difficultés "normales" qui sont le lot de chacun au cours de son développement, et des difficultés qui s'inscriraient dans un tableau clinique "pathologique"? La présence ou la difficulté qui atteint un certain nombre des capacités décrites comme nécessaires, peuvent conduire à suspecter un fonctionnement pathologique du psychisme de l'enfant, lequel nécessite une aide thérapeutique et de toutes les manières d'autres éclairages. Qu'avons-nous appris concernant la question des normes, de la normalité et de l'adaptation du sujet? Qu'avons-nous appris qui puisse nous donner des repères pour estimer le registre "normal" ou "pathologique", de la difficulté de l'enfant? Il semble que les concepts de "normalité", "d'adaptation", s'ils sont appréhendés, par le milieu social, sous le registre du VOIR, ne peuvent être perçus et ENTENDUS qu' au sein d'une relation singulière , dans la manière dont le sujet les vit , et leur appréciation renvoie à la rencontre clinique. Que sera-t-il possible d'estimer alors, qui donnera des repères pour mieux comprendre la nature de la difficulté de l'enfant, et la nature de l'aide qui lui serait nécessaire?

Il semble que ce puisse être, en premier lieu, sa capacité à nouer des liens sociaux et à les ajuster, en tenant compte du principe de réalité. Ainsi, l'adaptation du sujet à son milieu, ou encore sa "capacité d'adaptation" est une définition fréquente de la santé mentale. Certains auteurs, comme MINKOWSKI, CANGUILHEM ou JUNG insistent sur la capacité du sujet de nouer des relations sociales et à faire fonctionner sa pensée. Cette capacité semble pouvoir être caractérisée par:

Les capacités à nouer des liens sociaux appropriés sont directement liées à une certaine souplesse psychique et à l'accès aux différents registres psychiques, (réel, symbolique et imaginaire), sauvegardant la marge de liberté nécessaire au sujet pour que s'exercent ses possibilités créatrices. Les définitions de Didier ANZIEU, René DIATKINE, Colette CHILAND ou Jacques LACAN, se rejoignent sur ces points.L'imagination doit être régulée, encadrée par le registre symbolique et par le principe de réalité. L'adaptation peut être entendue comme un ajustement créatif de l'homme à son milieu social et culturel. Cette souplesse est opposée à la rigidité d'une structure mentale pathologique qui, elle, aurait tendance à s'exprimer au travers de conduites et de comportements stéréotypés, répétitifs. Cette capacité adaptative se manifeste par:

  • des processus créatifs qui permettent l'extension du sujet, son "grandir", sa capacité à maîtriser le monde et lui-même;
  • la possibilité d' intégration des éléments culturels du milieu dans un processus qui le modifie lui-même;
  • la capacité à faire face , à contenir et à élaborer les inévitables conflits en provenance du monde extérieur, mais aussi les conflits, les fantasmes issus de son psychisme, comme les surgissements de son inconscient.

Le concept d'adaptation recouvre ainsi des processus qui sont au fondement même de la vie et de la poursuite de la croissance et de la créativité du sujet, de son dynamisme. La capacité d'adaptation du sujet renvoie au lien social et aux relations que ce sujet noue et entretient avec le monde et avec lui-même. ‘ "N'importe quel être humain se trouve dans un "état normal" quels que soient ses problèmes personnels profonds, quand il arrive à s'arranger avec cela et à s'adapter à lui-même comme aux autres sans se paralyser intérieurement dans une prison narcissique, ni se faire rejeter par les autres (prison, hôpital, asile), malgré les inévitables divergences encourues dans les relations avec eux." ’ (BERGERET, 1985, p. 15). Soulignons au passage les deux aspects de l'adaptation, indiqués par BERGERET: il s'agit d'une adaptation à l'environnement, aux autres, mais aussi à soi-même. Se reconnaître et s'accepter soi-même, donc s'adapter à ce qui constitue ce que nous sommes, avoir construit son identité, seraient conditions de "normalité".

Si le phénomène "d'échec scolaire" n'a pas perdu, et au contraire, de son acuité, sur le plan institutionnel et sur le plan social, s'il est articulé, d'une manière étroite, aux capacités adaptatives du sujet au contexte scolaire, que vit l'enfant en "échec" ou en "difficulté scolaire"? Qu'implique pour un enfant: d'être "en échec" ou "en difficulté scolaire" aujourd'hui?