4-2- Vivre l'échec scolaire: un ressenti, plus qu'une réalité "objective".

Le concept d'échec évoque des représentations liées à la mort. L'étymologie du mot "échec" renvoie à l'expression arabo-persane "esch schâh mât" " le roi est mort", reprise dans le jeu d'échec. L'échec est insuccès, mais aussi menace de disparition, de destruction, d'anéantissement, de mort. L'échec évoque quelque chose de définitif, d'irrémédiable, d'irréversible. L'échec suppose que l'on a été intégré dans une communauté mais que l'on n'a pu satisfaire aux exigences de celle-ci d'une manière spécifique ou globale. Le sujet en échec est sous menace d'exclusion de cette communauté, ou du cursus dans lequel il se trouve. ‘ "...le handicap d'un sujet se définit moins par un écart constaté et insurmontable à la normalité, que par la limite intérieure que l'éducateur se fixe au principe d'éducabilité...le handicap, l'échec, sont d'abord dans le maître, (...) ce sont les frontières que le maître trace en lui et au-delà desquelles il renonce à agir."(MEIRIEU, 1988, p. 75).

L'échec peut être global ou spécifique. Guy AVANZINI (1967, p. 24), distingue "échec global" et échecs partiels". ‘ "Pour qu'on puisse, à bon droit, parler d'échec, il faut une certaine régularité dans la faiblesse des résultats" ’. C'est autant un "ressenti", qu'une réalité objective. ‘ "L'échec n'est pas un état purement objectif qui correspondrait à des données rigoureuses et universelles. La situation créée par les mauvaises notes, le redoublement, le retard ou l'ajournement, n'est pas nécessairement vécue ni ressentie comme pénible, si le sujet et sa famille sont, à tort ou à raison, indifférents au rendement scolaire. Inversement, il y a des enfants qui, tout en obtenant des notes convenables ou des places honorables, se considèrent ou sont considérés comme nuls, parce que leurs résultats sont inférieurs à ceux qu'ils attendaient ou qu'on attendait d'eux..." ’ (id., p. 25). On parle d'échec relationnel , lorsque le sujet ne parvient pas d'une manière constante et répétitive à établir des relations avec les autres, d' échec cognitif en mathématiques, en lecture, en orthographe, etc,... lorsqu'il apparaît que quelque chose s'est figé, bloqué, fermé. L'échec scolaire atteint l'enfant au plus profond de lui-même. C'est la mise en échec de ses liens avec l'école, avec les apprentissages, avec les autres, avec lui-même, avec son désir de grandir, avec l'estime qu'il a de lui-même. L'échec, lorsqu'il est vécu ainsi, peut être lié à l'échec des relations entre l'enfant et sa famille, entre la famille et l'école. Les enfants en difficulté dans leur relation avec le savoir, ou/ et avec les autres, mettent en difficulté ou en échec la relation pédagogique .

Marie-Jeanne BOMEY (1995), souligne que les deux expressions "être en échec" et "être en difficulté" renvoient à des positions, et à des références théoriques différentes: on constate l'échec, on tente de l'expliquer, tandis que l'on cherche à comprendre les difficultés.