Un "sujet en difficulté".

Qu'introduit l'utilisation du terme de "sujet", par rapport aux termes "d'élève" ou "d'enfant en difficulté"? Adopter la terminologie de "sujet", c'est annoncer que l'on s'inscrit dans un référent théorique psychanalytique. Charlotte HERFRAY (1993, p. 51) rappelait que sur le plan des théories, il est des savoirs pluriels, non équivalents. Elle affirmait avec force qu'il est important pour chaque praticien d'être au clair "quant à la maison épistémologique à laquelle (il se réfère)". Le mot "sujet" est absent chez FREUD. LACAN a introduit ce concept en psychanalyse. Ce sujet est "divisé par son inconscient", "habité de désirs et de fantasmes" (Charlotte HERFRAY, id.)

Utiliser le signifiant "sujet", issu de la théorie psychanalytique, implique le fait que l'on reconnaît l'importance et les effets éventuels de l'inconscient. C'est affirmer la causalité psychique dans la formation des symptômes, et c'est reconnaître les effets de la parole. C'est aussi s'inscrire dans une rencontre avec un enfant "en situation et en évolution" en tenant compte de la globalité de sa personne, de la globalité de son fonctionnement psychique, dans ses dimensions affectives, cognitives et relationnelles, et dans la globalité de son histoire.

"Le sujet en difficulté", même s'il n'est pas déviant par rapport à une norme, même s'il n'est pas en échec scolaire, peut être considéré comme tel par le regard des autres, ou peut lui-même se considérer comme en difficulté, en souffrir, et désirer se faire aider. C'est son mal-être qui est déterminant. Il peut être de plus un élève en échec ou en difficulté scolaire. On peut, cependant, "être en difficulté" et ne pas être en difficulté scolaire. Nous adopterons une définition donnée par Marie-Jeanne BOMEY (1995, p. 34): ‘ "On peut considérer comme "en difficulté" tout sujet en décalage ou en conflit avec les exigences de son entourage, ou tout sujet qui ne trouve pas dans son entourage des réponses adéquates à ses besoins, désirs ou souffrances."

L'enquête de Joëlle PLAISANCE et de Fabienne SCHERER fait écho, à quelques années d'intervalle, et bien qu'étant plus modeste dans ses dimensions, avec celle dirigée par Jean-Louis DUCOING en 1987, dont nous avons rapporté les conclusions dans la première partie de cette recherche. La méthodologie utilisée a fait également le choix d'une enquête auprès des différents partenaires éducatifs. Il semble que, d'après les réponses à cette enquête, le "modèle rééducatif", ou consensus, qui se dessinait en 1987, se confirme et se précise, aidé en cela par le texte de la circulaire du 9 avril 1990.

On peut sans doute avancer à présent que la prise en compte de l'élève comme sujet , est une constante que l'on retrouve dans les pratiques rééducatives. Elle a contribué à faire dépasser une conception instrumentaliste et fonctionnelle des réponses à la difficulté de l'enfant. Elle apporte un regard spécifique en provenance du réseau d'aides spécialisées sur l'enfant en difficulté à l'école.

Nous avons été confrontés, à plusieurs reprises au cours de ce chapitre, à la nécessité d'une connaissance plus précise de l'enfant en difficulté à l'école. Entreprendre d'aider, éventuellement, un enfant en difficulté, conduit naturellement "les aidants" éventuels, maître ordinaire ou intervenant spécialisé, à désirer parvenir à une meilleure connaissance de l'enfant et de son problème. C'est de cette connaissance que l'on pourra estimer la pertinence d'une aide, comme la nature de cette aide. De quelle connaissance s'agit-il?