Demande écrite de l'enseignant.

La spécificité du passage par l'écrit est soulignée, par la plupart des rééducateurs, comme une invitation faite à l'enseignant à une prise de distance par rapport à ses affects, par rapport à sa propre subjectivité, par rapport au premier mouvement de signalement d'un enfant "qui dérange" ou "qui inquiète". Elle peut être également une incitation pour le maître, à affiner ses observations, à s'interroger plus avant, à chercher plus d'indicateurs de ce qui se passe dans la réalité quotidienne de la classe, pour cet enfant, sur les plans cognitif, relationnel, comportemental 262 ...C'est aussi une invitation à rechercher, au-delà de la plainte, non seulement "ce qui ne va pas", mais en quoi cet enfant réussit, vers quoi son intérêt le porte 263 . Quelques questions simples orientent ces premières informations et analyses demandées à l'enseignant: "Quel est le problème? Comment se pose-t-il? Depuis quand? Quelles sont vos impressions personnelles? Quelles ont été les solutions tentées pour aider cet enfant? Quels en ont été les effets? Quels sont ses intérêts, ses réussites? Quelles sont vos attentes vis à vis du réseau? Les parents sont-ils informés de cette demande?"

Cette trace écrite est une photographie d'une situation précise à un moment donné. Lorsque l'on fera à nouveau le point avec cet enseignant, quelques mois après, qu'un travail d'aide spécifique ait été effectivement mis en oeuvre, ou non, cette trace sera un élément de référence pour juger de l'évolution de cet enfant.

Cette feuille suffit-elle à "connaître" l'enfant et sa difficulté? Elle apparaît, dans tous les cas, insuffisante. L'indication ne peut reposer sur la seule lecture des feuilles de demande. La formulation est d'ailleurs souvent incomplète, elle présente de nombreuses lacunes: l'enseignant déclare n'avoir pas su remplir certaines rubriques. Un entretien centré sur cet enfant particulier, s'avère nécessaire. La feuille servira de guide à cette rencontre, et l'on tentera de compléter ensemble, de repérer, s'il est des domaines pour lesquels il est nécessaire de rechercher des informations complémentaires. Cependant, à partir des éléments que contient la feuille de "demande d'aide", ce sera telle ou telle personne de l'équipe du réseau, qui prendra la responsabilité de l'entretien avec le maître, une première hypothèse étant avancée du registre de ses difficultés. Cette rencontre est individualisée et institutionnalisée, c'est-à-dire programmée en temps et en lieu, de manière à ce que les conditions de parole et d'écoute soient réunies.

Notes
262.

Louis - Pierre JOUVENET (1985, p. 8) insiste sur la conscientisation indispensable des affects, dans la lutte contre l'échec scolaire: "En pédagogie, la seule certitude c'est qu'on n'en a aucune...si vous écoutez parler un éducateur de ce qu'il fait, vous constaterez souvent combien il affective sa relation pédagogique. Il lui est alors très difficile de prendre une distance par rapport à des sentiments, des impressions, un ressenti qui l'étouffent. Aussi voit-on l'urgence de se rendre maître de ce ressenti pour éviter l'asphyxie, d'insuffler l'oxygène nécessaire à l'analyse des problèmes pédagogiques et à la découverte de leurs solutions...il est vital, à n'en pas douter, de passer du systématique, où on ne pose pas ou plus de questions, au problématique où l'on s'en pose, du normatif au formatif..."

263.

Jacques LEVINE (1993-1) propose le terme de "plate-forme de réussite" pour désigner "les parties (restées) intactes" du sujet malgré les blessures inévitables, les défaites subies, qui ont été à l'origine de la constitution de réactions défensives. Tout changement prend appui sur ces "plate-formes de réussite".