10- Une "pré-indication" est posée en équipe de réseau d'aides. Une période de contacts, d'investigations complémentaires, "d'observation".

Cette "pré-indication" peut être celle d'une éventuelle rééducation, hypothèse à confirmer ou à infirmer par une série de rencontres avec l'enfant. A la fin de l'entretien avec les parents et l'enfant, il a été décidé de prévoir, on non, des rencontres avec l'enfant, préalables à une aide éventuelle 298 .

Où en est-on? Une approche plus fine de l'enfant et de sa difficulté, resitués dans la globalité d'une histoire, a précisé et complété les éléments d'information dont on disposait déjà. On a pu apprécier la manière dont la famille vit la difficulté de l'enfant et si une collaboration sera possible 299 . En fonction des éléments dont on dispose, il est possible de formuler à présent des hypothèses concernant les difficultés de l'enfant et ce à quoi elles peuvent correspondre dans l'économie psychique du sujet, mais surtout d'écarter, dans la situation actuelle de l'enfant, certains types d'aide.

Le rééducateur devient "rééducateur éventuel" de cet enfant , si l'on peut s'exprimer ainsi. Mais se pose à lui la question des limites de son champ professionnel. Si l'aide pédagogique "ordinaire" ou si l'aide pédagogique spécialisée ne semblent pas convenir à cet enfant:

L'étape du travail d'analyse de la demande ouvre à un éventuel examen psychologique par la psychologue scolaire, si celui-ci s'avère utile, comme complément d'information. Une des questions insistantes que finissent par se poser les enseignants face à un élève qui "n'y arrive pas", qui "ne comprend pas ce qu'on lui demande", qui persiste dans un échec, que cet élève fréquente l'école maternelle ou l'école primaire, est souvent celle de "ses capacités intellectuelles". Lorsque cette question est posée et qu'elle devient répétitive, il peut apparaître nécessai d et important, sans la systématiser, de s'interroger sur l'efficience intellectuelle de cet enfant. C'est une des fonctions du psychologue scolaire. Dans ce cas, une réponse négative quant à un handicap avéré , donne une information quant à l'aide qui pourrait lui être proposée. La psychologue scolaire peut envisager de compléter (ou de remplacer) ce bilan de l'efficience intellectuelle de l'enfant, par des tests projectifs de personnalité.

Des contacts peuvent être jugés nécessaires avec des structures d'aides extérieures à l'école, lorsque cet enfant est déjà suivi ou a été aidé récemment par celles-ci, et avec les services sociaux, le cas échéant. Alex a fait partie d'un groupe thérapeutique en CMP, aide qu'il a lui-même interrompue avec sa famille. Avec l'accord de sa mère , je prendrai contact avec le CMP.

Hormis le cas "évident" des enfants qui ne sont pas scolarisables ou le sont difficilement, et ce, dès leur entrée à l'école maternelle, tant leurs troubles sont importants, les questions: "rééducation ou thérapie?" "difficulté normale ou pathologie?" se posent fréquemment à cette étape de l'analyse de la situation scolaire et personnelle de l'enfant. Il faudra, pour le rééducateur qui rencontrera l'enfant, trouver des éléments pour étayer le choix de la proposition d'aide à formuler. Il nous faut, quant à nous, tenter de déterminer des éléments significatifs qui pourraient nous permettre de répondre à la question: "Y a-t-il, dans l'école, des enfants relevant spécifiquement d'une rééducation?"

A cette étape des démarches qui constituent l'analyse de la demande d'aide, une certaine diversité apparaît entre les différents réseaux d'aides spécialisées 300 .

Des pratiques diverses dans les réseaux d'aides spécialisées. Où l'on retrouve la question de l'observation.

Certains nomment les séances préliminaires avec l'enfant, "période d'observation". Le choix des mots est porteur de ce qui va constituer cette période. Des bilans divers peuvent être proposés à l'enfant. Une observation est prévue, par certains réseauvad'aides, lors de cette étape de recherche de compléments d'informations, sous forme d'observation d'un ou de plusieurs enfants dans la classe. Cette question de l'observation, est objet de controverses entre les praticiens. Il nous faut, à cette étape du travail, nous pencher plus précisément sur quelques-unes des questions soulevées 301 . Quelles sont celles qui reviennent le plus souvent?

  • A quelle place est l'enfant lorsque l'on procède à des observations en classe ou à des observations individuelles?. N'est-ce pas objectiver l'autre que de l'observer? La même personne peut-elle faire de l'enfant, à un moment donné, un objet d'observation, et à un autre moment, un sujet de la rencontre?
  • Est-on au clair sur les objectifs de l'observation? Que va-t-on en faire au niveau d'une rééducation, si celle-ci est indiquée? Est-ce bien utile, par conséquent? Réaliser des bilans à ce moment là, pour quoi faire? dans quel but? Ne se retrouve-t-on pas dans une logique de manques, de réparation? Pour quelle rééducation?
  • Si des bilans sont à faire malgré tout, ne vaut-il pas mieux différencier les personnes? La psychologue scolaire fait aussi partie du réseau d'aides, par exemple. Ne vaut-il pas mieux, si l'on estime que des observations de l'enfant sont nécessaires malgré tout, aider l'enseignant à pratiquer ses propres observations?
  • Quelle compétence le rééducateur se reconnaît-il pour aller observer ce qui se passe au niveau du groupe? N'est-ce pas reconnaître implicitement, que le maître est incompétent pour le faire? En corollaire, quelles compétences (que, bien sûr, il ne posséderait pas) le maître attribue-t-il au rééducateur?
  • Dès lors, quelle est la place du rééducateur?
  • Qui est porteur de la demande après ces observations?
  • Quelle position doit-on adopter lorsque les conclusions du rééducateur sont très différentes de celles de l'enseignant de la classe?

L'observation de l'enfant, au cours des séances préliminaires, peut avoir également comme objectif, comme le préconisent Ivan DARRAULT et Jean-Pierre KLEIN (1993) 302 de repérer, à partir des choix libres de l'enfant, ses "zones de résistance", ses "zones d'aisance" et ainsi de permettre de choisir et de lui proposer, dans le travail qui suivra, des médiations "à mi-chemin" entre ces zones. De la pertinence de ce choix dépendra, selon les auteurs, la stimulation (ou non) des capacités créatives de l'enfant.

La recherche des éléments complémentaires de connaissance de l'enfant et de la nature de ses difficultés, est, cependant, d'une manière privilégiée, et pour tous les réseaux d'aides, l'objet des séances préliminaires 303 .

Notes
298.

Nous nous référons à nouveau pour ce point, à notre expérience professionnelle personnelle, et à la synthèse des Echanges entre rééducateurs de la Drôme, 1996-1997.

299.

Circulaire n° 90-082 du 9 avril 1990, p. 1042, point 2-2. "L'action d'aide spécialisée à dominante rééducative est entreprise avec l'accord des parents et dans toute la mesure du possible avec leur concours."

300.

Echanges de pratiques entre rééducateurs de la Drôme en 1996-1997.

301.

Arguments issus de la synthèse des Echanges de pratiques entre rééducateurs de la Drôme en 1996-1997.

302.

I. DARRAULT-HARRIS et J. P. KLEIN (1993). La proposition de ces auteurs, recouvre une logique de contrat d'aide, particulière, c'est la raison pour laquelle nous serons amenée à l'évoquer à nouveau lorsque nous analyserons le "contrat rééducatif". C'est l'aidant (pour les auteurs, c'est une équipe) qui choisit la médiation qui lui paraît la plus appropriée aux difficultés de l'enfant, même s'il réserve à cet enfant le droit de refuser, le droit de dire non. C'est, selon les auteurs, afin d'éviter que l'enfant ne s'enlise dans ses "zones d'aisance" qui ne le feront pas réellement travailler, qui risquent de l'entraîner inconsciemment à la répétition. On peut défendre d'autres positions et d'autres stratégies quant au choix des médiations. Ces positions différentes se réfèrent à l'abandon de maîtrise, et au changement de place du rééducateur qui y est lié. C'est ce qui ressort des Echanges de pratiques entre rééducateurs de la Drôme en 1996-1997.

303.

Echanges de pratiques entre rééducateurs de la Drôme en 1996-1997.