11- Instauration des "séances préliminaires" à une rééducation éventuelle. Elles permettront de poser des hypothèses, sur le travail possible avec l'enfant. Changement de place et écoute compréhensive, de la part du rééducateur.

Tous les rééducateurs s'accordent, pour se donner et pour donner du temps à l'enfant avant la décision de rééducation. Temps de connaissance réciproque rééducateur-enfant, temps pour apprécier le travail qui pourra être réalisé ensemble...Si les séances préliminaires sont destinées à mieux connaître l'enfant, elles permettent également à l'enfant de connaître le rééducateur, et surtout le type de travail qui pourrait lui être proposé, condition nécessaire à sa décision d'entreprendre, ou non, une rééducation 304 . Par ce temps de prise de contact, le rééducateur se réserve une "marge de manoeuvre", la possibilité de revenir sur la pré-indication, voire de se prononcer sur son impossibilité personnelle de travailler avec cet enfant particulier, en raison de l'histoire particulière, peut-être, ou des difficultés spécifiques de cet enfant, en fonction d'autres éléments de la réalité, inconnus auparavant, et qui risquent d'interférer sur la qualité de la relation et du travail de rééducation. Ce peut être une erreur de "pré-indication" qui apparaît alors et qui demande un réajustement.

Séances préliminaires ne signifie pas obligatoirement attitude différente de l'aidant pendant cette période, de ce qu'elle serait ensuite. De nombreux praticiens considèrent que la rencontre rééducative commence dès la première rencontre avec l'enfant, même si elle ne doit pas avoir de suite. C'est ce qui différencie cette position du choix de "période d'observation" 305 .L'importance semble unanimement reconnue, par contre, de définir clairement à l'enfant, mais aussi à l'enseignant et aux parents, le cadre de ces rencontres et leur objectif, et de préciser très clairement que la décision de rééducation ne sera prise qu'à l'issue de ces séances. Yves de LA MONNERAYE (1991) souligne combien, tout au long de ces démarches en vue de l'indication d'aide, il est important que l'adulte "tienne" la triangulation. L'enseignant a parlé de l'enfant en l'absence de celui-ci. L'enfant y découvre une relation avec un tiers-absent: il peut parler avec le rééducateur, de son maître ou de ses parents, hors de leur présence. Un changement de place du rééducateur, par rapport aux autres adultes auxquels l'enfant a affaire habituellement: parents et enseignants, est rendu possible par la position spécifique du rééducateur et de la rééducation dans l'école. L'exemple d'Ismène a permis d'illustrer en quoi on peut considérer que ce changement de place peut être effectif, et en quoi il peut être opérant, dès la première rencontre avec l'enfant.

Quelle connaissance attend-on de ces séances? S'il est question d'aider cet enfant, il est nécessaire de savoir dans quelle mesure et jusqu'où. S'il est nécessaire de connaître ses besoins , il est tout aussi nécessaire de connaître ses ressources , ce qui revient à s'interroger: "Est-ce que cet enfant semble disposer en lui-même, des ressources nécessaires pour dépasser ses difficultés?" La préoccupation de l'intervenant qui rencontre l'enfant seul, après l'avoir rencontré avec ses parents et après avoir rencontré son maître, est une écoute compréhensive de ce qui se passe pour cet enfant-là, dans l'école, dans son histoire. Il semblerait qu'une précaution majeure, pour pouvoir rencontrer cet enfant comme un sujet, est de ne pas se laisser enfermer dans ce qui risque rapidement de devenir un "catalogue de symptômes" et qui ne pourrait déboucher que sur des réponses réparatrices, comblantes 306 ...Il ne s'agit pas de SAVOIR, mais d'ECOUTER et d'ENTENDRE cet enfant, dans sa difficulté, mais aussi dans ses réussites, dans son dynamisme, dans ses tentatives actuelles de dépasser ses difficultés, ou de "faire avec", ou encore de se laisser déborder, anéantir, destructurer, enfermer par elles. La tâche qui apparaît fondamentale, mais difficile, est d' essayer d'ouvrir un peu d'espace afin que ce qui échappe éventuellement à tous, et y compris à l'enfant, puisse avoir une chance de s'exprimer 307 . Il est nécessaire de rechercher un "au-delà" du symptôme, ou un "en-deça", par l'écoute de l'enfant. Quel enjeu vital l'enfant joue-t-il pour lui-même et à l'école, à travers son symptôme?

Notes
304.

id. et Yves de LA MONNERAYE (1991).

305.

ibid. Cette position est soutenue, en particulier, par Yves de LA MONNERAYE (1991).

306.

Echanges de pratiques entre rééducateurs de la Drôme en 1996-1997.

307.

Yves de LA MONNERAYE (1991) insiste sur cette fonction du symptôme. Nous avons analysé très précisément, pour notre part, en référence au concept de symptôme dans la théorie psychanalytique, en quoi la difficulté scolaire de l'enfant peut être, quelquefois, considérée comme un symptôme, et sa fonction, dans ce cas: Jeannine HERAUDET (1994). L'arbre cache souvent la forêt. De la demande aux besoins. Le symptôme "échec scolaire" ou "difficultés scolaires". Bulletin AREN 26, n° 13, (17-56)