1-3- Besoins, capacités, compétences, postures, préalables...

La psychanalyse réserve le mot "besoin" pour désigner les seuls besoins physiologiques. Nous élargirons le concept de besoin à celui de besoin psychique.

MASLOW, psychologue américain, a proposé une synthèse des besoins fondamentaux de la personne (MASLOW, 1954). La modélisation de MASLOW classe les besoins de tout sujet, les besoins les plus fondamentaux étant situés à la base d'une pyramide, et un étage ne pouvant être réalisé qu'à la condition de la satisfaction du besoin précédent. Sans reprendre cette même classification, nous nous y sommes référée. Dans nos analyses, nous y adjoindrons et articulerons les besoins décrits par Jacques LEVINE (1993-1).

Le terme de capacité soulève des questions de définition. Nous désignerons par capacité , "un ensemble de potentialités actuelles", selon la définition qu'en a donné Daniel HAMELINE (1986, p. 113). Une capacité peut se matérialiser dans différents comportements (id., p. 113). Il est nécessaire de traduire en verbes d'action les capacités exprimées en terme d'opérations mentales (connaissance, compréhension, application, analyse, synthèse, évaluation) pour les rendre opérationnelles (ibid., p. 122). Je peux faire l'hypothèse d'une capacité dont rendront compte un comportement, un savoir-faire. Philippe MEIRIEU (1988) définit la "capacité" comme une opération mentale stabilisée et reproductible dans des champs divers de connaissance.

L'utilisation du terme de compétence est particulièrement délicate, elle aussi. Articulée à celle de "capacité", cette notion recouvre des acceptions opposées selon le champ dans lequel elle est utilisée. Chez CHOMSKY, une compétence (linguistique) est intérieure et inobservable, non spécifique. Dans le discours pédagogique, elle est extérieure et observable, spécifique. Pour Daniel HAMELINE (1979, op. cité), une compétence est un ensemble de savoir-faire en situation."Savoir-faire permettant une mise en oeuvre immédiate à partir d'un répertoire de gestes disponibles" ’, (p. 116). Selon Philippe MEIRIEU (1988), c'est un savoir identifié, mettant en jeu une ou des capacités dans un champ déterminé et maîtrisant les matériaux dont il est fait usage. Les textes officiels concernant la mise en place des cycles à l'école primaire, soulignent la nécessité chez l'enfant de la construction de "compétences transversales " pour pouvoir aborder les différentes activités proposées par l'école (CNDP, 1991). Bernard REY (1994), démontre que la compétence transversale, envisagée comme capacité psychologique, relève de l'illusion de préexistence. Il n'y a pas de compétence transversale, ni comme pré-donné inné, ni comme sédimentation psychologique des disciplines scolaires. Mais il y a des compétences transversales à construire par le travail éducatif. On peut les définir comme des postures : "postures intellectuelles", attitude "scripturaire", attitude rationnelle, conscience du temps, etc...

Nous considérerons capacité et compétence, comme non visibles directement, relevant d'une construction globale qui intéresse la totalité de la personne et se traduisant toutes deux par des comportements, seuls observables. Les deux termes renverront à deux niveaux d'analyse. Les capacités seront envisagées comme ce qui peut et doit pouvoir être utilisé directement par l'enfant pour pouvoir apprendre. Nous voulons mettre en évidence dans ce chapitre, que la construction de ces capacités requiert elle-même des "préalables" ou des "postures", selon le terme de Bernard REY, qui correspondraient plus aux "compétences" décrites par CHOMSKY ou aux "compétences transversales " des textes officiels de l'Education Nationale. Ces préalables seraient les premières constructions de l'enfant, " substrat" psychomoteur, affectif, intellectuel , qui permettraient que se construisent les capacités attendues par l'école.

Si l'école vise à permettre à l'enfant de poursuivre l'élaboration de ces "préalables", leur construction doit être sérieusement engagée par l'enfant lors de son entrée à l'école, pour pouvoir bénéficier des activités qu'elle propose, et pour pouvoir s'inscrire dans la collectivité scolaire. Quels sont ces préalables? A quoi correspondent-ils dans la construction psychique de l'enfant? Des réponses que nous pourrons apporter, dépendra notre compréhension de la nature des difficultés de l'enfant à l'école, et, par voie de conséquence, l'indication de l'aide la plus appropriée à lui apporter d'une part, et des directions pour la mise en oeuvre de cette aide, d'autre part.