1-6- Nécessité d'une adaptation réciproque.

Au XIX ème siècle, on considérait que "la bonne graine" ou la "mauvaise graine" déterminait ce que serait le sujet. L'illustration ultime de cette croyance en est l'expérience nazi visant à reproduire "la race supérieure" en donnant le primat à l'hérédité. Le bébé a été considéré également comme "une cire vierge" sur laquelle tout pouvait s'inscrire. L'environnement et l'éducation pouvaient conditionner l'individu. Les deux thèses ont ceci de commun qu'elles ne laissent aucune marge de liberté, de responsabilité au sujet quant à sa propre vie.

A partir des années 1970, les techniques d'exploration in utero permettent de découvrir que le bébé est animé d'activités spontanées à l'intérieur de l'utérus maternel. Il perçoit des éléments d'information en provenance du monde extérieur et il lui arrive d'y réagir. On peut l'observer changer de position par exemple, sucer son pouce ou attraper le cordon ombilical pour le téter lorsqu'il perçoit la voix de sa mère. ‘ "Les bébés sont compétents bien avant de naître. Ils sont équipés d'une organisation neuropsychologique qui les rend aptes, avant toute expérience, avant tout apprentissage, à percevoir, traiter et structurer les informations venues de leur environnement. " ’ (CYRULNIK, 1989, p. 30).

Le bébé, dès sa naissance, a le pouvoir et la responsabilité partagée de faire de sa mère une "bonne" ou une "mauvaise" mère. Les travaux concernant les enfants autistes en particulier, ont dénoncé tout un courant de pensée qui a culpabilisé les mères de ces enfants pendant de longues années, leur faisant porter toute la responsabilité de la pathologie de leur enfant. Des observations très fines et prolongées des interactions mère-enfant, et ceci dès la naissance, ont pu mettre en évidence la part de responsabilité du bébé. Ce sont les réactions de celui-ci, semble-t-il, ses appels, ses modes de communication mis en place dès les premiers instants, qui déclenchent chez la mère des comportements maternels de réponse. En absence de toute stimulation de la part du bébé, la mère ne parvient pas à établir correctement la communication avec son enfant. Elle est désemparée, démunie, rapidement "sans voix". Les interactions, fondamentales pour le développement de l'enfant, ne se mettent pas en place correctement. Il y a trouble de la communication et de la relation. Dans un schéma de la communication, tel que le modélise WATZLAWICK par exemple (1967), la réaction circulaire, stimulus, réponse, et rétroaction, cette dernière ayant normalement une influence sur la source du message, ne fonctionne de façon stimulante et active pour aucun des deux partenaires:

Rosine LEFORT (1980) souligne que, pour que l'Autre existe, il faut que le sujet le fasse exister, et pour cela, lui adresse sa demande. On a pu dire que, dans la psychose, il y a "un rapport cassé" à l'Autre; que dans l'autisme, l'Autre est comme absent, parti...L'autiste semble adresser sa demande à quelqu'un d'autre qui n'est pas là, qui est invisible. Il paraît annuler tous les signes de la présence de l'Autre.

Un double mouvement d'adaptation apparaît donc comme nécessaire: celui, du milieu au sujet, et celui, du sujet au milieu, dans un ajustement réciproque.