Un sujet actif qui incorpore et catégorise le monde. "Adaptation" et construction de la pensée.

S'appuyant sur des études éthologiques et procédant à un rapprochement avec les observations concernant le bébé humain, Boris CYRULNIK rappelle qu'il y a bien interaction entre un sujet actif et son milieu: "L'être vivant perçoit certains éléments de son milieu et s'y imprègne selon son équipement génétique, selon le stade biologique de son développement et selon l'histoire qui l'y a préparé. L'objet d'empreinte tracé en lui, représente désormais une forme privilégiée de son environnement." ’ (CYRULNIK 1989, p. 185).

L'empreinte est donc une contrainte que le milieu exerce sur l'enfant, en induisant un certain type de réactions. Cependant, sans empreinte, le déterminisme est encore plus grand, car le développement ne peut pas s'organiser, le sujet ne peut pas s'inscrire dans son milieu, ne peut pas devenir. ‘ "Lorsqu'un être vivant est privé d'empreinte, le seul objet perçu demeure lui-même: c'est donc vers lui-même qu'il orientera ses comportements."(CYRULNIK, 1989, p. 186): masturbation, auto-agression, ou auto-mutilation. La gamme des possibilités d'empreinte pour une espèce est plus ou moins étendue selon les possibilités génétiques de la complexité de son développement. C'est l'inachèvement du bébé humain à la naissance qui le rend particulièrement réceptif aux objets d'empreinte et ce, pendant un temps relativement long. L'enfant connaît des périodes plus ou moins sensibles de son développement, au cours desquelles il présente une "réceptivité variable" aux événements et aux objets de son environnement. Il incorpore les représentations de certains objets de son milieu familial, et tisse avec celles-ci des liens affectifs profonds qui subsisteront toute sa vie et dont dépendra son développement ultérieur, ses choix affectifs, cognitifs, et relationnels 320 . Le monde est alors catégorisé en objets familiers et en objets étrangers. Les premiers deviennent rassurants et se voient associés à un sentiment de tranquillité pour l'enfant. Ils ont un effet structurant pour son développement. Ils assurent et prolongent ce que Bernard THIS nomme la "sécurité de base" de l'enfant. (THIS 1990). Les seconds, quant à eux, se voient qualifiés d'inquiétants, l'angoisse peut y être associée et ils peuvent avoir un effet désorganisateur pour l'enfant.

Le sujet s'est construit, ainsi, des liens avec les objets. Ces liens constituent un premier équilibre dans ses relations avec le monde. Cet équilibre est rapidement remis en question par le changement, en provenance, soit du sujet lui-même, soit du monde extérieur.

Notes
320.

On retrouve ici l'intuition de Maria MONTESSORI concernant les "périodes sensibles". Nous avons évoqué les positions de celle-ci dans la première partie, chapitre II, point 3-2.