1-9- Etre dans une position de "sujet séparé" pour pouvoir créer des liens et s'adapter.

La théorie psychanalytique s'intéresse principalement aux résonances inconscientes que le premier milieu social a produit de façon durable, sous forme de "traces mnésiques" (FREUD) ou de "lettre" (LACAN), inscrites dans l'inconscient du sujet, et devenues constitutives de la manière dont celui-ci construit ses relations au monde et à lui-même. L'enfant est parlé par ses parents bien avant sa naissance, et, de ce fait, est inscrit dans la chaîne signifiante, dans le monde et dans le symbolisme, avant de commencer à en faire usage lui-même. L'accent est porté en psychanalyse sur ce que Boris CYRULNIK nommeles deux premiers "mondes écologiques", qui s'articulent entre eux et préparent l'inscription du sujet dans "le troisième monde écologique", celui du social et de la culture, celui dans lequel les enfants qui sont en difficulté à l'école, ont justement des difficultés à "s'adapter", à s'inscrire.

L'accession aux deuxième et troisième "mondes écologiques" repose sur une série de ruptures à l'origine de la créativité du sujet , grâce au jeu entre deux mouvements opposés: la perte et les retrouvailles. ‘ "...un des ressorts des plus essentiels de l'expérience analytique, et ce depuis le début, c'est la notion du manque de l'objet." ’ (LACAN, 1956-1957, p. 35). L'élaboration des manques, des ruptures, des scansions inévitables et nécessaires, la symbolisation de la perte, de l'absence, intégrés par l'enfant selon le modèle du "fort-da" décrit par FREUD (1920, p. 16 à 20 ), ou du "perdu-trouvé" de "l'objet transitionnel" décrit par WINNICOTT (1971), développent, entre autres processus, les capacités de l'enfant à supporter le manque, la frustration, l'absence, à se séparer et à créer.

Comment entendre ce que recouvrent ces "opérations" psychiques dont il est question ici, et qui sont, selon la théorie psychanalytique, des processus d'adaptation du sujet, des processus de création? On peut admettre que le symbolisme estau sens large, le mode de représentation indirect et figuré d'une idée, d'un conflit, d'un désir inconscients. En ce sens, on peut en psychanalyse tenir pour symbolique toute formation substitutive, ajoutent LAPLANCHE et PONTALIS (1967). Si l'on admet que "le réel", comme dans la "grammaire" lacanienne, est là, premier, avant toute représentation, qu'il est constitué de ce qui strictement impensable, non figurable, et qu'il demeure, prêt à surgir, dans l'angoisse, le symptôme est "un effet du symbolique dans le réel". Il en témoigne, il en dit quelque chose, sous la forme d'une énigme, et à l'insu du sujet.

La théorie psychanalytique ne fait pas apparaître le concept d'adaptation en tant que tel. Cependant, toute la question de la constitution du sujet en tant que séparé de ses premiers objets d'amour, question centrale de la théorie psychanalytique, concerne les relations du bébé avec son milieu, le premier environnement originaire et primordial étant celui de la mère, puis l'évolution de ces relations. La théorie psychanalytique met en évidence que la grande affaire de l'enfant, celle qui lui permet de "s'adapter" à un nouveau contexte, celle qui lui permet de construire de nouveaux liens avec les personnes et avec les objets, et par conséquent, d'apprendre, est de se séparer, de se constituer en tant que sujet autonome, capable d'un désir qui lui soit un tant soit peu propre.

Nous avons constaté la nécessité pour le sujet, de disposer de capacités d'adaptation, et de parvenir à une adaptation suffisante au milieu dans lequel il est amené à vivre. Nous avons envisagé par quels processus le sujet s'adapte. Si l'inadaptation de l'enfant à l'école pose problème, que penser de ces enfants qui, eux, pourraient passer pour "sur-adaptés" au système?