1-14- Tableau récapitulatif.

Nous proposons, en page suivante, un tableau récapitulatif des éléments de "savoir" et d'analyse, que nous venons de recueillir. Pour une capacité donnée, qui concerne ici les processus d'adaptation du sujet au monde, nous ferons correspondre les "préalables" nécessaires à l'enfant pour que cette capacité s'élabore. Quels besoins s'avèrent nécessaires d'être satisfaits, pour que ces processus se déroulent dans de bonnes conditions, ou du moins dans des conditions suffisantes pour qu'il y ait, effectivement, adaptation créative du sujet? Quelles éventuelles difficultés avons-nous pu relever au passage?

Tableau de synthèse : L'ADAPTATION du sujet au monde: un PROCESSUS CREATIF
Tableau de synthèse : L'ADAPTATION du sujet au monde: un PROCESSUS CREATIF

Qu'avons-nous appris des processus qui permettent à un enfant de s'adapter à ce nouveau milieu que représente l'école? Qu'avons-nous compris de la difficulté de cet enfant qui doit s'adapter à l'école, et qui ne parvient pas à le faire d'une façon satisfaisante pour lui même et pour les autres? Qu'avons-nous appris, en ce qui concerne l'indication, puisque c'est la préoccupation de celui ou celle qui rencontre cet enfant, lors des séances préliminaires? Qu'avons-nous retenu des besoins de cet enfant, et de ce qui lui serait nécessaire, et de ce qu'une aide pourrait tenter de lui apporter, pour poursuivre l'élaboration de ses processus d'adaptation qui lui permettrait, entre autres, d'être "bien", ou "mieux", à l'école?

Nous n'avons pas obtenu de réponses "définitives", mais des pistes qui nous renvoient sur d'autres processus en jeu. Ce sont ceux qui concernent le sujet et sa capacité d'apprendre, puisque c'est ce que lui propose ce milieu dans lequel il doit s'intégrer. Ce sont la souplesse de son fonctionnement psychique, sa capacité à élaborer ce qui l'encombre, sa construction identitaire, l'appropriation de sa propre expérience, la nécessité pour lui de se séparer...

Nous avons compris combien le processus d'adaptation du sujet est complexe, combien cette adaptation elle-même est fragile, toujours remise en question. Nous pouvons admettre que cette situation de précarité même, est nécessaire. Nous comprenons mieux à quel point, dans cette tâche difficile pour tous, certains enfants ont plus de difficultés que d'autres à surmonter les obstacles. Nous possédons un argument important pour affirmer que difficulté n'est pas forcément synonyme de pathologie . Plus que des réponses, de nouvelles questions se posent quant à la limite entre "l'inadaptation" et "l'adaptation" d'un sujet. Nous découvrons qu'une "inadaptation" peut être, non seulement à l'origine, mais la condition, du développement, du "grandir", et de l'expression des capacités créatives du sujet. Une "trop grande adaptation" du sujet au milieu, un équilibre "trop stable" "trop figé", semble pouvoir être pathologique, et présenter des caractéristiques mortifères. Nous retrouvons ainsi ce qui avait été dit de la nécessaire souplesse psychique, caractéristique de la "normalité". L'écart, le déséquilibre, au contraire, sont nécessaires pour qu'existe le sujet et pour que s'exercent ses capacités créatives. Si toute vie est déséquilibre permanent, et recherche d'un équilibre, si les difficultés sont prévisibles, si les obstacles dans le parcours sont inévitables, les conflits, structurels, la tension qui en résulte, à condition de rester dans des limites supportables pour le sujet, peut être source de dynamisme, de créativité.

Cependant, les difficultés de socialisation de l'enfant, toute difficulté dans l'établissement et la construction des liens sociaux, peuvent avoir des répercussions sur son développement, non seulement affectif, mais aussi sur l'exercice de sa pensée et sur son développement cognitif.

L'enfant en difficulté d'adaptation ne devra-t-il pas trouver en lui-même et, si besoin en est, grâce à l'étayage d'un lieu spécifique d'aide, une autre manière de structurer ses relations au monde?

Jacques LEVINE, comme René DIATKINE, par exemple, lequel évoquait des possibilités de "récupération" 326 , avance que tout sujet a en lui ce qu'il nomme des "capacités d'auto-réparation" face à ses blessures. Ces capacités le conduiront à rechercher d'autres solutions que celles sur lesquelles il bute, d'autres arrangements de son rapport au monde. Comment s'y prendra-t-il? Si les choses paraissent plus difficiles pour un enfant particulier, que pourra-t-on lui proposer pour le soutenir, pour l'étayer, dans cette entreprise?

Mais auparavant, un autre "savoir du parcours" de l'enfant nous est indispensable. Nous savons, par son maître, que cet enfant, rencontré au cours des séances préliminaires à une rééducation éventuelle, non seulement ne s'adapte pas, ou mal, à l'école, mais qu'il est dans une situation de refus ou d'impossibilité d'apprendre. Que se passe-t-il? Qu'est-ce qui se joue, pour cet enfant, à l'école, puisque, si nous en croyons Françoise DOLTO par exemple, que nous citions dans ce chapitre (point 1-11), si l'enfant n'apprend pas, c'est qu'il a de bonnes raisons pour cela. S'il "refuse" de s'adapter à l'école, s'il s'empêche d'apprendre, alors que ces deux processus sont constitutifs de son devenir, c'est qu'autre chose d'encore plus important est en jeu pour lui actuellement. En clarifiant ce qui se joue dans le mouvement même qui pousse un sujet à apprendre, peut-être obtiendrons-nous des éléments de compréhension sur ce qui peut faire difficulté, obstacle, empêchement?

Notes
326.

Nous avons rapporté les positions de René DIATKINE dans le chapitre V, point 3-2.