2-4- Sublimation du désir, en désir d'apprendre.

2-4-1- Le DESIR, "un ratage" nécessaire.

Le désir naît de notre incomplétude, du fait que nous ne pouvons pas incorporer l'objet aimé, sinon il disparaîtrait. La complétude ne peut perdurer entre la mère et l'enfant. Ils ne font pas qu'un. Il n'y a pas d'harmonie absolue. Le désir est structurellement articulé au manque, et il n'y a de désir que dans le manque, le désir étant toujours "désir de désir", selon l'expression lacanienne 352 . L'objet d'amour s'échappe toujours. Lorsqu'on le possède, ou que l'on croit le posséder, on en désire un autre, car l'objet possédé a perdu son caractère désirable. C'est la raison pour laquelle FREUD a pu dire qu'il n'y a pas "d'harmonie" pour le sujet. Il y a un trou, ou un point qui résiste.

Certaines mères "trop" comblantes, ne laissent pas à l'enfant le temps de prendre contact avec ses éprouvés du corps. A prévenir tout besoin de sa part ( que ce soit la faim ou le besoin d'évacuer ses selles, par exemple), elles ne permettent pas suffisamment le contact de leur enfant avec ses sensations proprioceptives, entravant par là ses possibilités d'expériences, la construction de son schéma corporel et la confirmation de son existence autonome. N'ayant pas le temps de formuler des demandes, ni de retarder à son gré ce moment de la demande, l'enfant aura, de même, des difficultés à anticiper, ces capacités étant fondamentales pour qu'il puisse faire preuve ensuite d'imagination créatrice, et pour qu'il puisse apprendre. L'histoire des enfants présentant des traits psychotiques, montre nombre de ces mères "comblantes" et "comblées" par un bébé "qui ne demandait rien", pour lequel elles étaient "tout" et qui leur était "tout", comme s'il n'y avait eu aucun obstacle entre leur bébé et elles. Sans aller jusqu'à la pathologie, la rencontre avec des enfants pour lesquels le désir d'apprendre est défaillant, montre chaque jour des mères "trop" comblantes, "trop" nourricières. Allant toujours au devant des besoins de leur enfant, prévenant sa demande, elles deviennent négatives, étouffantes, ne laissant pas assez de place au désir de celui-ci, ni même l'espace pour que se formule sa demande.

C'est l'enfant, comme sujet, qui connaît et peut exprimer parfois la "vérité" sur lui-même, et sur son désir, lorsqu'on lui offre l'espace pour en dire quelque chose.

J'ai rencontré Ludovic , treize ans, au cours d'un bilan préalable à une éventuelle "prise en charge", en tant que rééducatrice d'un CMPP. Elève de 6ème, il était en grand échec scolaire. Sa mère l'accompagnait. Elle est arrivée en pleurs. Très "dépressive", elle n'avait surmonté ni la séparation d'avec son mari, ni la mort de sa mère. Vers la fin du deuxième entretien, elle rapporta se débattre dans des problèmes financiers importants et se sentir coupable de ne pouvoir acheter à son fils tout ce qu'il souhaitait.

Elle lui dit alors: "Tu sais, j'en suis malade de devoir te dire non...". Ce à quoi le garçon a eu cette réponse extraordinaire: "Mais, tu sais, maman, je demande, je demande...c'est normal...J'ai envie de choses...Mais quand je demande, il ne faut pas m'acheter, c'est aussi pour que tu dises non!" Et, se tournant vers moi, il ajoute: "Et quelques jours après, elle se débrouille pour me l'acheter quand même!" Il déclare alors à sa mère: "Tu ne comprends pas...Ce serait triste si on avait tout ce qu'on veut, on s'ennuierait!"

Qu'ajouter à de telles paroles?

Notes
352.

Jacques LACAN (1971. Subversion du sujet et dialectique du désir dans l'inconscient freudien, p. 151 à 191), et Jacques LACAN (1964) Le champ de l'Autre, et retour sur le transfert.