2-4-3- Seuls le désir et l'espérance de plaisir sont capables de mouvoir le sujet, de mettre l'appareil psychique en mouvement. Un besoin "hédonique"?

Le désir est strictement de l'ordre de l'humain, parce qu'il est indissolublement lié au langage et à la demande. L'apprentissage du langage est un jeu pour l'enfant, dans des conditions normales. Ce dernier sublime et utilise une partie de son énergie libidinale, qui trouve ainsi d'autres voies pour s'exprimer. Il est nécessaire qu'il ait pu auparavant expérimenter des activités sensori-motrices, exercer son appareil phonatoire dans toutes sortes de jeux interactifs avec son entourage, jeux accompagnés, et sources de plaisir. L'attente du plaisir fournira l'énergie psychique nécessaire de tous les investissements à venir du sujet .

Jacques ANDRE (1993) dénonce l'assimilation trop fréquente entre souffrance et apprentissage. ‘ "Même si l'effort est indispensable, et l'obstacle didactique, nécessaire au progrès, ceux-ci doivent s'inscrire dans une dynamique de recherche de plaisir." ’ (p. 70). L'intérêt soutient, vivifie l'enfant. ‘ "Ce n'est pas par l'effort qu'il faut commencer, mais par l'intérêt, ce n'est pas par l'obstacle, mais par le sujet." ’ (id.). Daniel PENNAC (1992, p. 79) insiste sur l'oubli habituel de la dimension du plaisir, dans tous les programmes scolaires: ‘ "Il semble établi de toute éternité, sous toutes les latitudes, que le plaisir n'a pas à figurer au programme des écoles et que la connaissance ne peut qu'être le fruit d'une souffrance bien comprise" ’. Et pourtant, l'analyse des processus qui président au désir d'apprendre mettent bien en évidence qu'il y a bien investissement de l'apprentissage lorsqu'une prime de plaisir est attendue de cet apprentissage .

L'opposition plaisir/déplaisir, née de la satisfaction ou de l'insatisfaction des besoins physiologiques, est un des premiers éprouvés du nourrisson. Il est très vite articulé au plaisir et au déplaisir qui ponctuent la présence ou l'absence, le manque, de la mère. Ce sont ces éprouvés qui sont à l'origine de la demande de l'enfant. L'incomplétude du plaisir ou de la satisfaction, dès lors qu'il s'agit d'une demande d'amour de la part de l'enfant et non plus d'une demande biologique, permet que naisse le désir. Le désir et l'attente du plaisir, dans leur appartenance au registre imaginaire, sont ce qui meuvent le sujet dans son investissement des apprentissages. Le désir de découverte, le plaisir promis par l'énigme à découvrir, celle qui est au bout du "pourquoi?", poussent l'enfant à savoir, puis à connaître, et enfin à apprendre. Pour investir dans l'apprentissage, dès l'abord de la scolarité, l'enfant doit pouvoir y trouver une promesse d'un plus de plaisir et un moyen de donner sens au monde. Il parviendra à dépasser les difficultés très importantes que représente l'apprentissage de la lecture, s'il a compris que l'histoire lue lui permettra d'entrer en contact avec un inconnu et avec ses sentiments, et quand il découvrira que d'autres partagent ses joies, ses inquiétudes, ses peurs, ses préoccupations, ses questions. Il s'intéressera à l'apprentissage de la lecture quand il découvrira qu'il peut trouver dans les livres des choses qui répondent à ses questions actuelles, des choses qui l'aideront à vivre, des choses qui l'aideront à rêver, à être un autre pour un moment, mais aussi que lui seront proposés ‘ "une filiation et même un territoire symbolique." ’ (CIFALI, p. 214).

Cependant, le plaisir de savoir est par nature de courte durée. Le savoir n'est jamais stabilisé. Nous découvrons aussitôt tout ce que nous ignorons derrière. C'est pourquoi il est important que l'enfant découvre très tôt le plaisir de la recherche, de la découverte, le plaisir mental né du fonctionnement de sa pensée, pour ne pas se décourager trop vite. PAVLOV lui-même insiste sur la nécessité d'un "stimulus finalisé", c'est-à-dire un stimulus qui procure un plaisir, une gratification, une satisfaction. ‘ "Il faudrait arriver à ce que tout enfant éprouve du plaisir dans le processus lui-même. Plaisir de l'apprendre, plaisir de la quête pour la quête." ’ (DARRAULT, 1992, p. 7). Certains auteurs donnent au "besoin hédonique" (ou besoin de plaisir) un statut de besoin fondamental du sujet.