3-3-2- La rupture est un traumatisme qui n'est ni pensé ni métabolisé. Angoisse et mécanismes de défense: adaptation passive, passage à l'acte, inhibition.

Le réel 381 surgit, avec son cortège d'angoisses. L'appareil psychique ne peut contenir les affects. Ce peut être dû au manque de maturité de l'enfant: C'est le cas de "l'angoisse catastrophique du nourrisson" décrite par BION (1962). Lorsque l'absence de la mère se prolonge trop, lorsqu'elle n'est pas mise en mots par l'entourage, elle reste incompréhensible pour l'enfant, qui ne peut élaborer ces émotions éprouvées trop fortement. Ces éléments restent présents dans son psychisme sous la forme "d'éléments toxiques" ou "éléments béta". Les expériences précoces de rupture, de discontinuités non verbalisées, non prévisibles, de la présence maternelle, sont vécues par le sujet comme une menace à la fois contre cette continuité d'investissement de soi et contre la continuité du sentiment d'existence. Elles rendent insupportables la frustration, le manque . Lorsque l'enfant vit une rupture, quelque chose d'une séparation, d'un deuil, qui ne sont pas parlés, mis en mots par son entourage, il ne peut rien en faire. En perpétuelle incertitude sur l'avenir proche, il ne parvient ni à se constituer une mémoire, un substrat sécuritaire, ni à projeter des attentes. Les affects sont évacués au fur et à mesure, qu'ils soient porteurs de plaisir ou de déplaisir, l'angoisse n'est pas élaborée et peut surgir à tout moment. La loi qui impose une énergie constante dans le psychisme, fait que ce dernier doit se décharger de ces affects pour rétablir l'équilibre. Des symptômes moteurs dérangeants ou inquiétants, de la violence dirigée contre autrui ou contre soi-même, peuvent en être des exutoires.

Marie-Ange , rencontrée pendant un peu plus d'une année en rééducation, et dont il sera relaté des moments du "parcours rééducatif", semble avoir connu cette insécurité au sein de sa famille, cette défaillance de la permanence de la mère et de la fonction contenante et conteneur de celle-ci. La mère, malade mentale, a subi plusieurs hospitalisations. La fillette, âgée de quatre mois, en a été séparée pendant une année, et hébergée en famille d'accueil. On peut faire l'hypothèse, sans doute, que c'est une des raisons pour lesquelles toute rupture, toute absence, prend dès lors des formes "catastrophiques" pour Marie-Ange.

Le mécanisme du refoulement lui-même, lorsqu'il s'emploie à annuler, compenser, repousser toutes les pensées chargées d'angoisse, peut conduire le sujet à une adaptation passive. Mais ce mécanisme de défense est souvent inefficace, et l'angoisse surgit parfois, laissant l'enfant désemparé, quelquefois effondré, ou sidéré, en grande difficulté. L'action sous une forme désordonnée, impulsive, pulsionnelle, le passage à l'acte ou "l'acting-out" sont des moyens de décharge, car le sujet "n'y pense pas" et quelquefois même "n'y est pas" (LACAN, 1967). Son "mal-être" s'exprime par une instabilité, une communication difficile, un refus partiel ou total de la situation scolaire. L'inhibition intellectuelle, mais aussi l'inhibition de la pensée, qui laisse la personne vide, sans que rien ne l'intéresse, sont d'autres moyens qu'utilise le refoulement pour éviter à l'enfant d'être confronté à l'angoisse 382 .

Notes
381.

au sens lacanien, c'est-à-dire d'indicible, de ce qui ne peut être symbolisé

382.

Nous évoquerons la problématique de Thibault, qui semble bien illustrer cette situation.