4-1-5- Etre capable de réaliser des opérations mentales.

La description des compétences normalement acquises par un enfant de fin de moyenne section d'école maternelle (cycle I), indique que l'enfant de cet âge "commence à argumenter pour justifier un avis." (CNDP, 1991, p 32).

A la fin du cycle II (CE1), l'enfant doit être capable de:

‘"Emettre des suppositions;’

Ces capacités supposent la capacité préalable de réaliser des opérations mentales, de se décentrer . Pouvoir argumenter, suppose l'intégration et la mise en oeuvre du principe de réalité, et de sa possible distinction, par l'enfant, d'avec son désir. La capacité de l'enfant à se décentrer par rapport à ses propres productions, semble requise dans la plupart des activités scolaires, qu'il s'agisse de "se relire", de "se corriger", de "vérifier", etc... Qu'est-ce que "se décentrer"? demande Philippe MEIRIEU (1988). ‘ "Il faudra donc interroger la notion de décentration, comprendre ce que peut vouloir dire "intégrer le jugement d'autrui sur soi sans pour autant renoncer à être soi"(p. 17),...percevoir ce que cela signifie "se placer du point de vue des conséquences par rapport à ses propres actes" ’ (p. 109).

Lorsque nous avons interrogé les concepts de "processus primaires" et de "processus secondaires", nous avons souligné au passage, à la suite de Pierre FEDIDA (1974) 408 , la nécessaire intervention des processus secondaires dans des activités de pensée, comme "le raisonnement", "l'attention", "le jugement".

Selon le modèle tridimensionnel de GUILFORD (1956), les processus intellectuels comportent:

  • Les opérations: mémoire, cognition, production divergente, production convergente, jugement;
  • Les produits: unités, classes, relations, systèmes, transformations, implications;
  • Les contenus: figuraux, symboliques, sémantiques, comportementaux.

Les activités scolaires requièrent de l'enfant:

  • des compétences (jamais observables directement), ce que Daniel HAMELINE (1979, p. 120) nomme "capacités 409 mentales", suivant la classification de BLOOM:
  • connaissances,
  • compréhension,
  • application,
  • analyse,
  • synthèse,
  • évaluation.

Philippe MEIRIEU (1988, p. 174) repère quatre opérations mentales requises par la "situation-problème". Ce sont les opérations de:

  • déduction,
  • induction,
  • dialectique ("mise en relation des concepts entre eux" (id., p. 115),
  • divergence.

A partir de cette classification de BLOOM, des analyses de PIAGET et INHELDER (1978, p. 101), de Philippe MEIRIEU (1988), de Britt-Mari BARTH (1993), on peut proposer de regrouper les "formes de pensée" en quatre catégories, qui s'articulent, se combinent entre elles, dans la démarche d'appropriation du réel, par le sujet. Ces catégories recouvrent les différentes opérations mentales requises pour apprendre, et qui peuvent constituer des repères quant à l'évolution de l'enfant dans la construction et la mise en fonctionnement de sa pensée:

Quelles sont-elles?

  1. La cognition et la mémoire, qui recouvrent les capacités de récapitulation, de clarification, d'énumération, de conservation, de réversibilité, de relation d'ordre, de régulation, de décentration...
  2. La pensée convergente, c'est-à-dire la recherche de solutions reconnues bonnes d'une façon conventionnelle, à partir de l'analyse des informations. Les capacités d'association, d'explication, de translation, de déduction y sont à l'oeuvre. La démarche hypothético-déductive décrite par PIAGET, condition de possibilité de la rationalité scientifique, met en oeuvre les capacités de déduction du sujet ( "déduire les conséquences d'un fait, d'un principe, d'une loi" (MEIRIEU, 1988, p. 112). Le changement possible des points de vue, l'intériorisation progressive du point de vue d'autrui, y sont à l'oeuvre.
  3. La pensée divergente, c'est-à-dire la recherche de solutions originales à partir d'informations, met en jeu les capacités d'élaboration, d'analogie, d'implication, de synthèse, mais aussi l'affectivité et l'imaginaire. La divergence est condition de la créativité du sujet, souligne Philippe MEIRIEU (id., p. 114). "En utilisant une forme de pensée inductive (passage de l'exemple à la notion, des faits aux lois, de l'observation au concept) elle met en jeu la capacité de l'enfant à faire apparaître, à partir de l'observation, des attributs communs, et à formuler des hypothèses. Elle est ouverture à l'abstraction." Le sens, selon LACAN, naîtrait de l'effet du symbolique dans l'imaginaire. L'articulation souple entre les dimensions imaginaire et symbolique peut donc être considérée comme une condition fondamentale de la possibilité de penser et d'apprendre pour un enfant.
  4. Le jugement, ou l'évaluation, enfin, qu'elle soit structurée ou non, qui requiert des capacités de qualification, d'estimation, par rapport à des critères et des indicateurs personnels ou collectifs.

Selon le modèle théorique piagétien, lors de son entrée au Cours Préparatoire, l'enfant est normalement passé d'un mode de pensée pré-opératoire, à la capacité de réaliser des "opérations concrètes", comprenant les premiers invariants (quantité, puis longueur...), des capacités de classification, de sériations, des opérations numériques additives et multiplicatives. Se construiront ensuite: des structures d'ensemble (groupements de classes ou de relations), l'organisation de l'espace représentatif, les notions de temps. L'acquisition progressive des conservations est décisive pour tout le développement intellectuel de l'enfant.

La construction des opérations mentales par l'enfant requiert qu'il ait pu, expérimenter, manipuler, représenter.

Notes
408.

Evoqué au point 3-1-2 de ce chapitre.

409.

Au point 1-3, nous avons tenté de définir "besoin, capacité, compétences, postures, préalables", en nous référant, en particulier, à Daniel HAMELINE.