4-6- Etre capable d'apprendre.

Les instructions officielles de 1970, demandaient à l'école maternelle, de porter toute l'attention sur les "pré-requis" aux apprentissages, tant en lecture qu'en mathématiques. Les recherches en psychologie et en didactique ont remis en cause cette notion de "pré-requis", et insistent sur la nécessité de "donner du sens" aux apprentissages, en tenant compte, en particulier, de ce que les élèves savent déjà.

La théorie du développement cognitif, issue des travaux de PIAGET, ou la psychologie cognitiviste qui ‘ "met l'accent sur la façon dont l'individu analyse et structure les informations en provenance de l'environnement afin d'élaborer la réponse et sur les instruments cognitifs utilisés pour cela" 431 , ou encore les recherches qui, comme celles de J.S. BRUNER (1983), se préoccupent de l'importance des interactions et de leurs effets dans le processus d'élaboration cognitive du sujet, si elles ne s'adressent pas exclusivement au "sujet épistémique" théorique de Jean PIAGET, partent du présupposé que l'enfant n'est pas dans un refus ou dans une impossibilité de s'inscrire dans ce qui est proposé. Son "désir d'apprendre" est préalablement, sinon posé, mais supposé.

Notre démarche de recherche des préalables psychiques, psychomoteurs, affectifs, relationnels, cognitifs, nécessaires à l'enfant pour apprendre, nous apparaît s'inscrire directement dans le questionnement quant au sens que peut donner l'enfant aux apprentissages , et ce, justement, quant il paraît ne pas parvenir à leur donner globalement et a priori, du sens.

On constate que l'ensemble des capacités requises de l'élève par les activités scolaires, nécessitent qu'il ait suffisamment construit un certain nombre de préalables. Ce sont ces derniers que nous avons tenté de repérer et d'articuler avec les apprentissages eux-mêmes. La complexité des actes "lire" et "écrire", par exemple, nous permet de mieux mesurer le parcours d'obstacles que représentent ces apprentissages pour l'enfant. Le fonctionnement de l'imaginaire, le fonctionnement du symbolique, ainsi que l'articulation souple entre les deux dimensions, y sont requis. L'enfant doit être "séparé", et être engagé dans sa construction identitaire, par le biais de l'élaboration de son histoire, au sein de laquelle il doit pouvoir se situer

Trois grands axes de l'organisation psychique ont pu être mis en évidence. Nous les avons déclinés en:

  1. la relation aux objets humains et matériels (opération de séparation du sujet, inscription dans des liens sociaux appropriés);
  2. le fonctionnement et l'articulation du réel, du symbolique et de l'imaginaire;
  3. la construction identitaire.

"Se séparer" et "se vivre séparé" sont apparus comme des opérations capitales qui conditionnent le développement du sujet, ses possibilités d'inscription dans le socius et la culture, son désir d'apprendre et de sa possibilité même d'apprendre. Elles permettent que le sujet connaisse quelque chose de son désir, et qu'il élabore les préalables qui lui seront nécessaires dans tout apprentissage.

Une deuxième dimension de l'organisation psychique revient comme un leit motiv tout au long de nos analyses. C'est un fonctionnement suffisamment souple du psychisme. Le sujet doit pouvoir faire appel à l'imaginaire et au symbolique. Ces deux ordres, selon Jacques LACAN, doivent "se nouer" à un troisième, qui est celui du "réel". Une articulation souple des registres psychiques est requise. La plupart des auteurs considèrent cette mobilité psychique comme un indice de normalité 432 .

Un troisième axe de l'organisation psychique du sujet apparaît comme un préalable fondamental à la capacité de s'adapter, de désirer et d'apprendre: c'est la construction identitaire.

Afin de mieux comprendre ce qui peut "se gripper" dans le fonctionnement psychique d'un sujet, et afin de déterminer la nature de l'aide qui pourrait aider un enfant dont la problématique semble correspondre à des difficultés dans cette dimension, nous devons à présent interroger en quoi consiste cette articulation entre réel, imaginaire et symbolique. Nous nous demanderons ensuite comment un sujet construit son identité personnelle et sociale, comment un enfant construit son identité "d'enfant-écolier-élève", quelles difficultés il rencontre, et comment on peut l'aider dans cette élaboration.

Notes
431.

C.GEORGE et J.F. RICHARD (1982).

432.

Chapitre V, points 3-2 et 3-3.