5-1- Différents aspects de la fonction symbolique.

La genèse de la personne correspond à une différenciation progressive du sujet par rapport à l'objet initial, et s'accompagne de la maîtrise progressive des systèmes symboliques, présents dès le départ, puisque l'enfant est immergé dans le langage.

Jean PIAGET définit la fonction symbolique comme ‘ "la capacité de représenter quelque chose au moyen d'autre chose." ’ (1972, p. 22) 434 . L'apparition de cette fonction correspond selon lui à la période de la représentation pré-opératoire, et se situerait aux alentours d'un an et demi, deux ans. Ce symbolisme se présenterait sous quatre formes:

  • La première forme en est le langage . "La fonction symbolique, c'est le langage, d'une part, système de signes sociaux par opposition aux symboles individuels." (id.). Le langage est au coeur de la fonction symbolique, puisqu'il est articulation de la chaîne phonatoire représentant, sous la forme d'images mentales, des objets ou des actions absents, qu'ils soient eux-mêmes symbolisés ou non.
  • C'est aussi le jeu qui, de moteur, devient symbolique, donc représentation de quelque chose au moyen d'autre chose, objet ou geste, sans que la distance, temporelle ou spatiale, entre l'objet perçu et sa représentation ne soit trop grande. Un carton devient ainsi une maison, un bâton sera une épée ou un fusil.
  • "L'imitation différée" est une troisième forme de ce symbolisme. L'enfant, par le geste, imite une action qui n'est pas actuelle. Par le jeu, l'enfant assimile le monde extérieur, en reproduisant des modèles, des objets absents, par l'intermédiaire du corps propre. Avant 6 ans, les jeux d'imitation de l'enfant mêlent réalité et imaginaire.
  • La quatrième forme du symbolisme est constituée par l'image mentale . L'imitation est cette fois intériorisée, soumise au processus d'assimilation décrit par PIAGET. L'enfant reproduit de façon différée, des actions vécues, intériorisées en tant qu'images, qu'il assimile ainsi à ses schémas d'action et à ses désirs. C'est le jeu de la maîtresse, de la dînette, etc.., jeux dits symboliques, qui permettent de réaliser sur des objets symboliques, des actions elles-mêmes symboliques. Ces jeux, qui font intervenir le corps propre, permettent des transformations compensatoires ou valorisantes.

Ces quatre aspects de la fonction symbolique sont nécessaires pour que se constitue la pensée, qui rendra les opérations mentales possibles. On peut considérer que le graphisme et le langage représentent deux niveaux de symbolisation différents . La conception piagétienne du "jeu symbolique" rend compte d'une complexification des schèmes opératoires. Elle laisse cependant dans l'ombre toute un part "d'inconscient cognitif".

Jacques LACAN présente le sujet comme effet du signifiant, c'est-à-dire que, non seulement, il s'inscrit dès sa venue au monde dans la chaîne des signifiants qui lui préexistent, mais, de plus, ces signifiants le définissent. Un bain de langage le fait entrer d'emblée dans un monde symbolique, dont il n'a pas encore les clefs. Des paroles ont précédé et accompagné sa naissance, et ces paroles, et d'autres, continuent à ponctuer sa vie. Pour FREUD puis pour LACAN, le symbolique renvoie au réseau des liens signifiants qui unissent les membres d'une famille ou d'une communauté. Ce sont les liens de parenté, la généalogie, les générations, la loi de l'interdit de l'inceste, la loi d'exogamie... Le symbolique, en tant que code social, est ce qui unit d'abord les membres d'une même communauté. C'est aussi ce qui réunit ensuite, lors des retrouvailles, des êtres séparés, comme les deux tessons issus de la division du "sumbolon". La séparation, constitutive du sujet, est elle-même l'effet de l'intervention et de l'intégration par l'enfant de la loi symbolique, nommée par Jacques LACAN, "métaphore paternelle". Nous en avons évoqué les conditions d'intervention. Le symbolique, qui réunit, est donc aussi ce qui sépare, ce qui permet qu'il y ait du manque, et ce qui permet ainsi que du désir "ex- iste". C'est aussi ce qui permet que se construisent les opérations mentales indispensables à l'exercice de la pensée et aux apprentissages.

Notes
434.

Souligné par nous.