5-3- Du "réel" au symbolique.

"Le réel" du corps.

La théorie psychanalytique accorde une place importante aux ancrages corporels. Le corps est le lieu duquel s'originent les pulsions. C'est du corps que naît le besoin, avant de s'articuler à la demande et au désir. Nous en avons évoqué les rouages. Les premières traces suivent de près la découverte par l'enfant de son image dans le miroir, la première saisie d'un corps unifié, mais aliéné, dans et par l'image. Le corpsest un vecteur privilégié de l'investissement narcissique.

Le corps est le lieu:

  • des premiers apprentissages,
  • des éprouvés sensoriels,
  • des affects,
  • des émotions.

Nous référant à Piera AULAGNIER (1975), nous faisons correspondre:

  • le mot " éprouvé" avec ce que cet auteur désigne comme ce qui peut être représenté sous la forme de "pictogramme", dans le registre de l'originaire, c'est à dire de "pré-représentations" ou premières représentations de notre vie, avant même l'apparition des mots. Ces pictogrammes demeureront le seul moyen rudimentaire de représenter des sensations auxquelles aucun mot ne peut correspondre;
  • le mot " affect" avec ce qui est éprouvé par le sujet dans le registre du primaire, c'est-à-dire le plaisir ou le déplaisir;
  • le mot " émotion" avec les effets des affects et des sentiments (pouvant être conscients et mis en mots) dans le corps.

L'émotion plonge ses racines dans notre corps. Les analyses de WALLON concernant les émotions, l'expression et la communication, dans leur ancrage corporel, ont été confirmées par les observations actuelles des interactions précoces entre la mère et son enfant. Le corps ne se rappelle-t-il pas à nous lorsque ce que BION (1962) nomme "les éléments Béta", et LACAN l'irruption du "réel", lorsque l'angoisse nous envahit, nous submerge, nous laisse "sans voix", nous "prend au ventre", lorsqu'il n'y a aucun mot pour le dire? L'angoisse part du réel, selon la conceptualisation qu'en a fait Jacques LACAN (1974-1975). Ce peut être la réalité familiale et personnelle, réelle ou fantasmatique, qui vient faire retour, tout à coup, inopinément, sous forme d'émotions incoercibles, comme sait si bien le faire le réel (au sens lacanien) chez l'enfant qui ne parvient pas à se protéger, en séparant son histoire personnelle et le domaine de l'école. C'est par son corps, que bien souvent, l'enfant exprime à l'école, le mal-être qu'il ne peut exprimer autrement. La distraction ou l'attention labile, ou bien une agitation incoercible, ou encore "le fait d'avoir toujours la tête ailleurs", incapable de se fixer sur une tâche, peuvent être les signes d'un conflit qui se joue ailleurs que dans l'activité proposée par le maître.