Un imaginaire envahissant...

Les neuro-sciences, nous l'avons évoqué, (TROCME-FABRE, 1987), attribuent au "deuxième cerveau" ou cerveau limbique, une fonction d'inscription, et éventuellement, une fonction inhibitrice, régulatrice. L'approche neuropédagogique de l'apprentissage, en soulignant l'importance de l'articulation entre l'apprentissage et la communication avec l'environnement, mais aussi avec soi-même, renvoie les difficultés de l'apprendre, à l'étage des interprétations individuelles de l'information, des images mentales parasites, autant d'obstacles possibles pour que joue librement la pensée. Mais l'efficacité de ce filtre n'est pas radicale...

Aucun enfant n'échappe aux questions sur la relation sexuelle entre ses parents, "la scène primitive" comme la nomme la psychanalyse, relation parentale qui est à l'origine de son existence. Le fantasme, dit "originaire", qui accompagne cette énigme, peut envahir la psyché de l'enfant à tel point, que toute son énergie intellectuelle est mobilisée dans sa résolution.

On peut penser qu'il était vital pour Angélique, par exemple , de trouver des ébauches de réponse à ces questions, avant de pouvoir être disponible pour penser, en classe, et pour pouvoir entrer dans l'apprentissage de la lecture. Elle y est parvenue, en rééducation, grâce à la représentation de "petites histoires", par le biais de l'élaboration de ce qui pourrait constituer son mythe individuel.

Les fantasmes ne doivent pas envahir de manière importune la psyché lors de la lecture, ne serait-ce que d'un mot lors d'un énoncé ou de la consigne d'un exercice, bloquant alors toute poursuite de l'activité, renvoyant le sujet à sa problématique, à ses questions non résolues, à ses impasses, et le privant du minimum de distance nécessaire pour pouvoir rencontrer la pensée d'un autre, l'auteur du texte.

Kevin a exprimé, lors de notre première rencontre et entretien avec sa mère, une illustration particulièrement claire de ce que peut être le "trop de sens", en tentant d'expliquer "une rêverie" incoercible qui l'empêchait d'être réellement présent en classe. La mère vient d'évoquer la situation familiale difficile. Après une séparation très conflictuelle du couple, Kevin voit très peu son père. "En classe, tu comprends, quand on écrit "m", on dit "m, comme maman", et puis pour un "p", on dit "p, comme papa", alors je pense à papa...Et puis, quand on parle de chiens, de chasse, de fusil, de forêt..." C'est le cas en particulier de tous les mots qui ont un rapport proche ou lointain avec la chasse, loisir privilégié du père, et souvenir de moments heureux avec celui-ci. Ainsi, du mot "chasse" lui-même, au mot "chien" ou "forêt", la liste est longue des signifiants qui le renvoient à ses préoccupations privées.

Que "d'éléments Béta" se trouvent ainsi véhiculés par le cognitif!...; éléments porteurs d'une angoisse prête à envahir la pensée de l'enfant, à la rendre indisponible pour toute activité scolaire... La littérature est abondante quant aux difficultés affectives liées au domaine mathématique. Là encore et peut-être plus encore qu'ailleurs, si les fantasmes liés aux problèmes qui préoccupent l'enfant, aux questions non résolues, envahissent le psychisme, le problème posé est tout à fait étranger aux capacités de l'enfant. Rappelons pour mémoire tout ce que peut évoquer pour l'enfant l'apprentissage du "moins", de la division, des partages, de la nécessité "d'enlever", lorsqu'il vit une séparation des parents, un deuil, ou bien encore qu'une naissance importune vient lui enlever l'amour exclusif de ses parents et voudrait l'obliger à partager leur amour d'abord, l'espace ensuite, ses jouets peut-être...

La chute spectaculaire du travail scolaire de Mustapha , pendant son Cours préparatoire, dans la semaine de la naissance de son petit frère, laissait peu de doutes sur l'élément déclencheur de ses difficultés. Jusqu'alors "petit dernier" de la famille, élève attentif et appliqué, Il rêve, a "la tête ailleurs"...Sans doute n'a-t-il n'a pu supporter de devoir changer de place dans la fratrie, de partager le temps et l'amour de ses parents avec le nouveau venu? Cinq mois après, les choses ne rentrant pas dans l'ordre, les parents eux-mêmes confirmaient la demande d'aide de l'enseignante au réseau d'aides, pour le garçon.