L'inhibition: "une panne" de l'imaginaire.

Il est des savoirs interdits. Questions oedipiennes, secret des parents qu'il est interdit de pénétrer, de dérober, mais dont l'éventuelle découverte fait peur, désir de savoir et angoisse de découvrir, comme l'évoque si bien le conte de Barbe-Bleue. C'est le cas de tous les non-dits familiaux qui parfois vont jusqu'à se transmettre de génération en génération, et que pourtant l'enfant "n'est pas sans savoir" ou du moins sans en pressentir quelque chose, serait-ce inconsciemment. L'enfant a peur de perdre une sécurité même précaire, en perçant des secrets qui ne lui sont pas destinés. Ce pressentiment de quelque chose qu'il ne doit pas connaître, ou de cette demi-vérité parce que les choses ne lui ont pas été énoncées directement, font que, souvent, l'enfant a intériorisé l'interdit de savoir. L'exemple le plus fréquemment rencontré, est celui d'une adoption que le seul intéressé est sensé ignorer. Peut-être vaut-il mieux dans ce cas éviter d'apprendre afin de ne pas savoir? La meilleure façon de ne pas apprendre, c'est de ne pas penser, ne pas rêver...

Un des moyens de ne pas rêver, c'est de "paraître débile", ou bien d'être toujours dans le mouvement, dans l'activisme, dans une "hyperactivité", "maladie à la mode", semble-t-il, dont on ne se demande pas toujours ce qu'elle peut bien signifier avant d'ordonner une nouvelle pilule "miracle"...

Il semble bien que Kaled , dont nous évoquerons un moment du travail d'élaboration et de dépassement possible de ses préoccupations, en rééducation, se trouvait dans une situation d'interdit de savoir, d'interdit de penser...

...Des secrets des parents aux secrets des textes écrits, le pas est quelquefois vite franchi... Certains enfants acceptent d'entrer dans l'écrit, mais évitent soigneusement de puiser dans la richesse de leur imaginaire, de peur de se laisser submerger par des démons bien plus terrifiants que ceux des contes de fées... et du coup, appauvrissent leur compréhension, ne peuvent laisser jouer toutes leurs potentialités, se limitent eux-mêmes.

Ce fut le cas de Benoît , qui refusait d'abord tout dessin, toute trace, mais aussi tout jeu inventif, toute activité dans laquelle quelque chose aurait pu s'échapper de lui, lui semblait-il 445 ...

Mais l'inconscient fait irruption, même et surtout quand il n'est pas invité....Selon Jacques LACAN, l'inhibition serait "une panne", un arrêt du fonctionnement imaginaire. La perturbation de l'imaginaire fait obstacle à l'accès au symbolique, que cette perturbation soit blocage ou débordement. Un accès barré à son imaginaire peut entraîner pour l'enfant des difficultés au niveau de l'organisation de l'information. L'enfant perçoit bien tous les détails, peut les énumérer, mais ne peut pas les organiser en un tout cohérent, ne parvient pas à établir des liens entre eux 446 .

Notes
445.

Nous évoquerons des moments de son "parcours rééducatif", dans la troisième partie de cette recherche.

446.

Sara PAIN (1980, p. 87).