5-8- L'imaginaire, instance de recours.

Si l'imaginaire est le lieu possible des repères identificatoires et des enfermements narcissiques, il est aussi le lieu des ressources créatives, pour l'enfant dans son processus d'auto-réparation" 447 des blessures et des déliaisons; lieu de ressourcement pour l'enfant en échec qui y trouve la force de continuer à désirer...

Aux grandes questions des enfants, questions qui concernent le sens même de la vie, les parents, les adultes, ne peuvent jamais répondre vraiment: "D'où viennent les enfants?", "Où vont les morts?" Si ces questions n'ont pas trouvé de réponses qui satisfassent l'enfant, même provisoirement, avant l'entrée au CP, elles occupent à tel point sa pensée, qu'elles le rendent indisponible quasiment à tout apprentissage. L'issue à cette préoccupation suppose que l'enfant a pu apporter ses propres réponses à ces grandes questions. Il le fera en élaborant:

Même si l'enfant apporte à ces constructions mythiques quelques correctifs de temps à autre, au gré de connaissances nouvelles, ces questions devraient le laisser en paix, lui laisser la disponibilité pour autre chose, et en particulier pour les apprentissages proposés par l'école.

La présence insistante de ces questions chez beaucoup d'enfants du cours préparatoire est révélée par les mises en scène et les questionnements indirects qui surgissent et se répètent, dès lors qu'un espace pour les représenter ou les formuler est offert à l'enfant. Nous retrouverons ces questionnements, et ces tâtonnements, dans les tentatives de réponse, dans les tentatives de construction du "mythe individuel" de Nicolas ou Angélique, dont nous relaterons certains moments du parcours rééducatif.

Aider l'enfant à apprendre, c'est donc lui permettre de découvrir, d'inventer, d'explorer, de construire, d'oser, de créer...Les démarches de création, par la mise en jeu progressive d'un imaginaire soumis aux lois du symbolique, peuvent sans doute être considérées comme des occasions privilégiées de mise en jeu, de mise en chantier, et en élaboration, des capacités requises d'un enfant pour apprendre. ‘ "Un individu qui existe est toujours en procès de devenir...et traduit tout ce qu'il pense en termes de procès. Il en est de lui comme de l'écrivain et de son style; car seul a du style un écrivain qui toujours recommence..." 448 Il est donc fondamental que les deux registres de l'imaginaire et du symbolique soient, non seulement disponibles pour le sujet, mais aussi articulés d'une manière suffisamment souple pour que le passage de l'un à l'autre puisse se faire. "Déverrouiller l'histoire" dit Francis IMBERT (1994, p. 26), défaire, ouvrir les enfermements narcissiques et imaginaires, par la métabolisation de l'imaginaire...Mettre des mots...des paroles...faire entrer du "tiers"...

Notes
447.

Jacques LEVINE (1993-3), et Jacques LEVINE (1992).

448.

KIERKEGAARD (1949). Post-Scriptum aux miettes philosophiques. Gallimard, p 79, cité par ROGERS (1961, p 128).