6-1- Les constituants de l'identité.

Pierre TAP (1997) distingue six caractéristiques de la construction et de la dynamique identitaire. Nous avons rencontré la plupart d'entre elles, impliquées, lors des analyses concernant les capacités d'apprendre du sujet, et leurs préalables. Ce sont:

  1. La continuité (ou sentiment de rester le même au fil du temps, semblable à soi-même);
  2. la représentation plus ou moins stable, plus ou moins structurée, que j'ai de moi-même et que les autres se font de moi (qui correspond également à ce qui est nommé, par de nombreux auteurs, "l'image de soi" ou "le soi vécu" (MARC, 1997);
  3. l'unicité, ou sentiment d'être original, de se vouloir différent, au point de se percevoir unique (ce que Edmond MARC par exemple (id.) nomme "lasingularité", et RICOEUR (1990) "l'ipse").
  4. la diversité, ou sentiment d'être plusieurs personnages en une même personne. Cette diversité est source de richesse, mais peut également être à l'origine de sensations d'éclatement de soi, et du sentiment de dispersion.
  5. laréalisation de soi par l'action. Il s'agit de "devenir soi-même", de "se faire". Cette dimension de l'identité est articulée au "soi idéal" (ce que l'on voudrait être) (MARC, 1997).
  6. l'estime de soi. C'est la façon dont on s'évalue soi-même. Elle doit être nécessairement positive pour pouvoir "aller de l'avant".

Pierre TAP insiste sur le fait que certains aspects de l'identité peuvent entrer en conflit avec d'autres, et que l'identité ‘ "constitue un effort constant pour gérer la continuité dans le changement" ’ (TAP, 1997, p. 10), ce qui, remarque l'auteur, n'est pas toujours facile. Edmond MARC (1997) souligne l'écart plus ou moins grand qui peut exister entre le "soi intime" (interne) et le "soi social" (que l'on montre). Ces deux facettes de la personne ne sont pas sans rappeler ce que WINNICOTT nomme "le vrai self" et le "faux self". Un écart parfois difficile à vivre existe également entre le "soi social" et le "soi vécu" (ce que l'on se ressent être) (MARC,1997).

C'est par de multiples appartenances, par de multiples identifications, que se constitue l'identité, à travers la gestion des ressemblances et l'affirmation des différences. Le sujet qui se sent en insécurité, peut être conduit à rechercher la fusion, la ressemblance. Le sentiment de sécurité, au contraire, permet d'affirmer la singularité. Toute crised'identité est une perte des repères de continuité de soi. La personne ne sait plus à quel groupe elle appartient, ni à quel groupe elle peut se référer. ‘ "Il faut savoir revenir vers soi, si l'on veut forger son identité personnelle...pour être, rester ou devenir soi-même...Se personnaliser, se construire, c'est mettre en jeu des projets, en s'appuyant sur son univers de référence tout en s'en détachant."(TAP, 1997, p. 10).

De quelles constructions ressortent les composantes de l'identité?

Les théories psychanalytiques insistent sur la présence de quatre facteurs principaux dans la construction de l'identité du sujet.

Ce sont:

  • le narcissisme , qui a directement rapport avec le registre imaginaire;
  • le rapport aux idéaux ;
  • la conscience morale, ou Surmoi , qui inaugure l'accès au registre symbolique;
  • l'explication de la filiation , dont Françoise DOLTO disait que c'est la meilleure explication à l'enfant de l'interdit de l'inceste.

Comment le sujetélabore-t-il son identité? Nous proposons de questionner cette élaboration à partir des trois phases de tout processus créatif, décrites par WINNICOTT (1971), phases ponctuées d'un moment d'écart, de rupture. Nous avions mis en évidence la pertinence de ce modèle dans notre première partie, lors de l'analyse de l'élaboration de leur identité professionnelle par les rééducateurs. Qu'en est-il pour l'enfant, dans sa construction identitaire?