6-2- Construction des fondations identitaires, au sein d'une première phase d'illusion.

6-2-1- Complétude et identification primaire. Construction du sentiment de continuité de soi et du sentiment de singularité.

Un lien social préalable idéalisé, sur le modèle de la relation primordiale à la mère, est un préalable nécessaire à toute élaboration de soi, à toute vie. On peut supposer que dans la toute première relation, de type fusionnel ou symbiotique, entre le nourrisson et sa mère, les besoins physiologiques, mais aussi les besoins d'amour, sont sensiblement satisfaits. Pour le petit enfant, le parent est nécessairement et de façon vitale, une figure prestigieuse, qui sait tout, qui a les clés du "comment faire" pour résoudre les difficultés rencontrées, les conflits, les angoisses. Il est source d'amour, de sécurité, de paix. L'enfant, dans des conditions satisfaisantes, se sent aimé, unique pour sa mère.

Le nourrisson, incapable de distinguer le Moi et le non-Moi, l'intérieur et l'extérieur, vit une période de non-différenciation d'avec sa mère. Il n'y a pas de limites, de frontières corporelles ou psychiques entre sa mère et lui. C'est ce que SPITZ décrit sous le terme "d'identification primaire", ou identification primitive à l'autre, sous le modèle de l'incorporation orale, avant toute constitution de l'objet séparé. ‘ "L'identification primaire consiste alors dans le fait que le nourrisson ressent tout ce qui dans son environnement relève de la satisfaction du besoin (satisfaction pulsionnelle) comme faisant partie de sa propre personne, de son propre corps, hors desquels rien n'existe."(SPITZ, 1968, p. 177). Il apparaît indispensable pour asseoir les fondations de sa personne, que le sujet ait vécu une période de complète adaptation de sa mère à ses besoins, une période de symbiose, de complétude avec elle. Cette phase lui permettra d'affronter ensuite la nécessaire séparation qui fera de lui le sujet d'un désir et d'une parole qui lui seront propres.

Cependant, la relation établie est une relation duelle, relation de dépendance dans le miroir des yeux de la mère, dans le désir de la mère, afin de gagner ou de ne pas perdre son amour. Dans cette relation duelle, sont en jeu les sentiments ambivalents d'amour et de haine. Cette relation porte avec elle les pièges de l'imaginaire et du confusionnel. L'Autre est tout-puissant. ‘ "La structure de l'omnipotence n'est pas, contrairement à ce qu'on croit, dans le sujet, mais dans la mère, c'est-à-dire dans l'Autre primitif. C'est l'Autre qui est tout-puissant."(LACAN, 1956-1957, p. 169).