"Contrat narcissique" et projet identificatoire.

L'inscription dans la culture et dans des liens sociaux symbolisés nécessite l'établissement d'un "contrat narcissique" (AULAGNIER, 1975, p. 22) avec l'environnement, lequel, à son tour, permet que se construise un "projet identificatoire" pour le Je. Ce contrat est l'articulation réussie d'objectifs opposés et mis en tension, d'objectifs d'ordre individuel: respect de l'irréductible individualité des droits et de la liberté du sujet, et des objectifs collectifs auxquels le sujet est soumis: normativité, socialisation, respect des contraintes collectives. Un "projet identificatoire " (AULAGNIER, 1975, p. 22), dans lequel se conjuguera le futur, en ce qui concerne le sujet, est la condition nécessaire pour s'inscrire culturellement et socialement.

La dissolution du complexe d'Oedipe signe l'entrée de l'enfant dans un projet identificatoire qui est ‘ "l'auto-construction continue du Je par le Je, nécessaire pour que cette instance puisse se projeter dans un mouvement temporel, projection dont dépend l'existence même du Je." ’ (AULAGNIER, 1975, p. 193). L'enfant consolide ses identifications dites secondaires qui trouvent leur place dans un Moi qui acquiert une certaine cohérence et une certaine stabilité, et un Surmoi normal, intériorisé. Il se construit un Idéal du Moi plus conforme à ce qu'il peut prétendre atteindre un jour, moins illusoire, dicible, soumis aux processus secondaires et au principe de réalité. Un clivage s'opère dans le Je, entre des énoncés identificatoires intelligibles et dicibles, conformes aux lois du discours et au système de parenté (c'est-à-dire conformes à l'ordre symbolique), qui restent disponibles au conscient, et des énoncés identificatoires soumis au refoulement . C'est le cas des énoncés non conformes à la logique des processus secondaires : énoncés devenus contradictoires avec un récit que le Je se reconstruit sans cesse, ou énoncés qui exigeraient une position libidinale que le Je rejette ou qu'il décrète interdite. ‘ "L'accès au projet identificatoire prouve que le sujet a pu renoncer à l'ensemble des objets qui ont d'abord représenté les supports conjoints de sa libido d'objet, et de sa libido narcissique."(AULAGNIER, 1975, p. 200). Par l'effet du refoulement, l'élaboration de la névrose infantile permet à l'enfant de concilier les impulsions de son désir, et le principe de réalité. L'enfant peut se situer dans un projet identificatoire, lorsqu'il a pu se poser comme être, c'est-à-dire lorsqu'il prend conscience de lui comme sujet, et lorsqu'il peut affirmer quelque chose de son désir, désir séparé de celui de ses parents.

C'est l'ensemble de ces énoncés identificatoires conscients, présents ou passés, ou refoulés et devenus inconscients, dans lesquels il s'est successivement reconnu, qui constituent le Je, qui lui-même se construit ainsi comme récit .

Un "non- dit" sur les origines peut bloquer de manière rédhibitoire la capacité de pensée du sujet, et en particulier constituer un empêchement majeur au désir d'apprendre.C'est ce que semble vivre Kaled , cas déjà évoqué, dont nous nous proposons de relater un fragment du parcours rééducatif 457 .

C'est à ce point de nouage de son histoire, au niveau de cette "phase transitionnelle", phase d'élaboration, de symbolisation et de métabolisation de son histoire personnelle et scolaire, que l'enfant signalé en difficulté par le maître, en grande section d'école maternelle ou au CP, quelquefois au CE1, est souvent englué.

Notes
457.

Dans la troisième partie de cette recherche.