6-6- Un "espace intermédiaire d'expérience", un temps de "tâtonnement expérimental", et de construction du "mythe individuel".

Un espace potentiel, transitionnel, peut être l'espace de l'élaboration par le sujet de ces re-liaisons. Le travail créatif du sujet paraît pouvoir se réaliser au cours d'une phase de réarticulation, d'élaboration, de symbolisation que WINNICOTT nomme"aire intermédiaire d'expérience", "phase transitionnelle" ’ (1971, p. 24 et 25),laquelle permet l'exercice de la créativité du sujet. ‘ "Cette aire intermédiaire d'expérience...subsistera tout au long de la vie, dans le mode d'expérimentation interne qui caractérise les arts, la religion, la vie imaginaire et le travail scientifique créatif."(WINNICOTT 1971, p. 25). La constitution d'un espace intermédiaire d'expérience, entre le monde extérieur et le monde intérieur, est donc nécessaire pour que ces liaisons, ces élaborations se fassent.

Jean GUILLAUMIN (1979) rapporte (p. 229), les trois temps de "l'aufhebung" décrits par FREUD en 1925 459 , processus qui conduirait le sujet à transformer la poussée pulsionnelle en un processus créatif.

  • Le temps 1 consisterait en une "suppression", qui, d'une certaine façon, ne supprimerait pas (comme le mécanisme de défense de "l'annulation rétroactive");
  • le temps 2 consisterait en un "maintien" (de: maintenir, réserver, retenir);
  • le temps 3 serait une "prise en main", "une assomption", par une élévation à un autre plan de ce qui a été à la fois supprimé et maintenu. Ce serait le temps de l'inventivité, de la création. Lorsque deux solutions seulement s'affrontent, le temps 3 ne pourrait pas se produire, il n'y aurait pas création, mais "évacuation" de la pulsion et de l'énergie pulsionnelle, du conflit.

N'est-ce pas une de ces élaborations, effet d'un "bricolage" de l'enfant, d'un "tâtonnement expérimental" qui constituera ce que la théorie psychanalytique nomme "le mythe individuel" 460 ?Le mythe, dans ce sens, est une élaboration issue du registre imaginaire, comme le sont les contes et les mythes culturels. Il est individuel, parce qu'il constitue une élaboration singulière qui tente d'apporter des réponses, des solutions, aux questions que se pose le sujet, et dont les réponses ont pris la forme d'impasses sur lesquelles sa pensée bute. Ces impasses entravent le libre fonctionnement de sa pensée, et le rendent indisponible aux sollicitations culturelles.

Notes
459.

Dans Inhibition, symptôme, angoisse.

460.

Nous avons décrit ce "mythe individuel" au point 2-4-2 de ce chapitre.