1- Des événements réels et des fantasmes...

"Où s'écrit le destin?" ’ interroge Roger PERRON (1994). Il s'écrit d'abord dans la famille, premier milieu éducatif de l'enfant, avec ses normes, son langage spécifique, ses modes de pensée, ses modes de relation, de communication, tout ce qui est véhiculé, transmis, de manière consciente et inconsciente, dans le milieu social et culturel dans lequel est immergée cette famille. Il s'écrit en même temps dans le corps de l'enfant et dans la représentation et la symbolisation qu'il peut en construire. Il s'écrit enfin dans la psyché du sujet, car lui seul transforme les événements vécus, en événements psychiques personnels. Un équilibre entre ces trois dimensions doit se réaliser, équilibre fragile, instable. De la solidité de cet équilibre, mais non de sa rigidification qui ouvrirait à une dimension pathologique, dépendra cependant la possibilité ou non pour le sujet d'écrire son destin dans un monde social élargi.

Le passage d'un milieu social dans un autre a toujours été source de difficultés "normales", ou ordinaires, pour l'enfant. Celui-ci a toujours connu des situations difficiles à supporter, difficiles à élaborer, liées à son histoire personnelle et familiale,: le franchissement du complexe d'oedipe, la séparation ou le divorce des parents, une jalousie apparue suite à la naissance d'un petit frère...Des problèmes et des questions peuvent préoccuper l'enfant au plus haut point, et l'empêcher d'être disponible pour les apprentissages scolaires.

On sait bien, d'autre part, que des fantasmes peuvent avoir autant d'effets que des événements réels; on sait que les parents fantasmatiques ont quelquefois un rapport assez lointain avec les parents de la réalité...Deux frères d'une même famille, ayant vécu les mêmes événements familiaux, de leur place respective il est vrai, mais avec leurs processus de pensée singuliers et leurs ressources psychiques propres, peuvent en avoir "fait" quelque chose de très différent pour chacun d'eux. Le premier l'assumera, en prendra peut-être prétexte pour se dépasser, les processus de sublimation se mettant en oeuvre, le deuxième en ressortira amoindri, en repli ou révolté. C'est la raison pour laquelle on a pu dire que la réalité de l'événement ne détermine pas directement la création de troubles, de symptômes. Ce sont les fantasmes, ce que le sujet a pu s'en représenter, imaginer, construire, à partir d'eux, qui font d'un événement en apparence objectivable, une réalité psychique unique, singulière, et éventuellement traumatique.