3-1- L'enfant se voit souvent imposer des situations pour lesquelles il n'est pas prêt...

Une difficulté, liée à l'histoire récente, est que beaucoup d'enfants fréquentent l'école maternelle de plus en plus tôt, et ceci dès l'âge de deux ans. Sans être rédhibitoire, cette épreuve, par sa prématuration, est trop lourde à supporter pour nombre d'enfants. Pour reprendre la démonstration de Jacques LEVINE, ils sont encore pleinement immergés dans "le monde maternel A", et ne sont pas prêts à affronter les contraintes liées à un nouveau milieu social et à la vie d'un groupe d'enfants. ‘ "Arrivent en maternelle trop d'enfants qui ont mal, trop vite ou insuffisamment vécu leur vie de bébé." ’ (LEVINE, 1993-2, p. 3). Ils ont encore besoin d'une relation de type symbiotique avec leur mère, voire de l'illusion d'une relation fusionnelle.

L'enfant connaît entre deux ans et deux ans et demi une véritable révolution psychique. Le "Je" apparaît, se construit et s'intériorise. Plonger un enfant dans un groupe important d'enfants avant que le sentiment de soi acquière de la solidité, avant qu'il soit capable de se constituer des liens sociaux, alors qu'il a d'abord et surtout besoin de se construire , le plonge dans une grande insécurité, et une grande difficulté. Certains enfants, à cinq ans, sont déjà en grande difficulté.

Les problèmes se trouvent complexifiés du fait d'une pression sociale qui conduirait à anticiper trop vite, dans certaines grandes sections d'école maternelle, des apprentissages et des exigences qui relèvent normalement du CP, parce que l'enfant a plus de chances, alors, d'avoir construit les capacités psychiques nécessaires pour les intégrer. Certains enfants n'ont pas effectué pour eux-mêmes le travail d'élaboration de la séparation, de la frustration, de la perte, du manque, de l'élaboration de la castration et du travail psychique de sublimation nécessaires à l'entrée dans les apprentissages. Ces difficultés nous renvoient à notre analyse des préalables nécessaires aux apprentissages. Dans les cas les plus fréquemment rencontrés, les grandes questions fondamentales qui concernent l'origine, la vie, la mort, la sexualité, sa place dans la généalogie et dans la famille, n'ont pas trouvé de réponse satisfaisante, et encombrent la pensée de l'enfant. Celui-ci doit construire sa névrose infantile afin de se rendre disponible. Un mauvais engagement de l'enfant dans la construction de la relation objectale, des troubles du narcissisme, c'est-à-dire de la construction de la relation avec soi-même, compromettent gravement pour lui la construction de la dimension relationnelle indispensable à tout apprentissage. Dans une pensée qui ne s'est pas suffisamment désexualisée, le refoulement trop important, accompagné d'angoisse, entraîne avec lui les représentations et les investissements pulsionnels qui seraient nécessaires à l'élaboration de la pensée, et aux différents investissements culturels.

Un premier constat s'impose: certains enfants ne sont pas prêts pour apprendre. Ils n'ont pas encore suffisamment construit pour eux-mêmes les processus psychiques nécessaires pour entrer dans les apprentissages scolaires et pour nouer des relations aux objets et aux personnes.