Conclusion. Une difficulté normale.

Sigmund FREUD a beaucoup insisté sur la "normalité" de certains symptômes 471 . Yves de LA MONNERAYE (1991) s'élève contre les "explications" de l'échec scolaire trop rapides, faisant appel à des "causes" d'ordre sociologique ou d'ordre psychopathologique. Ces explications, selon lui, correspondraient à des mécanismes de défense, et éviteraient de chercher à comprendre plus avant cet enfant, tout en contribuant, dans de nombreux cas, à faire abusivement de difficultés normales, des troubles pathologiques. Ces précautions n'excluent pas qu'il y ait des enfants qui ont besoin de soins. Cependant, cette position de Yves de LA MONNERAYE évoque celles, déjà citées 472 , de Bruno NADIN, de Sander KIRSCH, Jean-Pierre. KLEIN, ou encore Ivan DARRAULT, qui, de leur place de psychothérapeutes, incitaient à la plus grande prudence avant de médicaliser la difficulté de l'enfant. Tous conseillaient de pousser les investigations plus loin, de prendre le temps de tenter de comprendre, de prendre le temps d'écouter cet enfant. C'est ce que tente de faire la personne qui rencontre l'enfant lors des séances préliminaires.

A la question: Y a-t-il, dans l'école, des enfants relevant spécifiquement d'une rééducation? Il semble que nous puissions répondre, à présent, par l'affirmative, en étayant notre réponse sur la nature de sa difficulté. Nous pouvons ainsi avancer que:

Certains enfants, dont la difficulté peut être considérée comme "normale", ne sont pas disponibles pour les apprentissages.

Nos analyses ont mis en évidence que tout enfant a un parcours difficile à accomplir pour pouvoir devenir élève. Certains enfants ne parviennent pas à devenir écolier, c'est-à-dire à nouer des relations sociales satisfaisantes, et/ou élève, autrement dit, ils semblent "refuser" l'apprentissage. Pourtant, on peut considérer que, dans la majorité des cas, leur difficulté semble bien rester dans les limites de la "normalité". On fait l'hypothèse qu'ils ne peuvent entrer dans les apprentissages, du fait que leur pensée, encombrée par des préoccupations envahissantes, n'est pas disponible pour apprendre. Ils n'ont pas achevé de construire le substrat nécessaire pour pouvoir s'inscrire dans la culture, dans la collectivité scolaire et dans les apprentissages, ou bien, du fait de leurs préoccupations, ils se retrouvent dans des positions qui devraient être dépassées, et dans lesquelles ces capacités préalables ne sont pas accessibles.

Il semble donc nécessaire que ces enfants puissent trouver, dans l'école, un lieu d'aide spécifique, qui ne soit ni une réponse pédagogique, ni une réponse "soignante".

Nous avons appris que la pose de l'indication ne peut être que spécifique, en fonction d'un tableau clinique singulier. C'est en relatant et en analysant les rencontres avec Ismène , au cours de séances préliminaires à sa rééducation, que nous nous proposons de mettre en évidence les éléments que nous avons reconnus comme pertinents pour poser cette indication. Le réinvestissement dans la clinique des résultats des différentes analyses réalisées dans cette deuxième partie, constituera une forme particulière de conclusion à cette phase de notre recherche, en proposant une articulation entre la théorie et la pratique, ou encore entre "savoirs constitués" et une démarche clinique.

"...en définitive, la seule question qui se pose est de savoir s'il est indiqué ou non, lors des premières rencontres que l'on a avec un enfant, de lui proposer une rééducation."
Yves de LA MONNERAYE, 1991, p. 81.

Notes
471.

Par exemple, comme dans la citation que nous avons faite, au chapitre V, point 3-2.

472.

Cités respectivement au chapitre V (conclusion), et au chapitre VI (point 8-3).