En rééducation, il s'agit de se rencontrer et d'envisager les possibles.

Si un doute plane quant à la structure du sujet, ou bien quant à la nécessité d'une aide thérapeutique pour l'enfant, le rééducateur fera appel à un diagnostic médical ou psychologique qui n'est pas alors de son ressort. Dans tous les autres cas, et fort heureusement les plus nombreux, les séances préliminaires à la rééducation constituent les premiers temps de la rencontre rééducative.

L'étymologie du mot "rencontrer" renvoie au latin in contra (au devant de). Aller au devant de quelqu'un, c'est effectuer un mouvement vers lui, c'est prendre la peine d'aller à sa rencontre, là où il est. ‘ "La différence avec une thérapie classique est évidente. Le rééducateur se contente d'une hypothèse globale: difficultés d'ordre familial. Il part de l'idée qu'il existe, chez tout enfant qui a envie de retrouver la voie de la croissance, la possibilité d'un processus qu'on peut qualifier de désir d'auto-guérison." ’ (LEVINE, 1993-3, p. 5).

Ces séances permettent de confirmer ou d'infirmer les premières hypothèses émises par l'équipe du Réseau concernant la difficulté, et la situation globale de cet enfant. Elles permettent au rééducateur de mieux connaître l'enfant, et de pouvoir situer ce qu'il pense pouvoir ou ne pas pouvoir lui proposer. Il est illusoire de prétendre pouvoir obtenir tous les renseignements sur l'enfant, avant de commencer le travail avec lui. Il est contraire à une éthique posant le travail avec l'autre comme une rencontre, de chercher à obtenir tous les renseignements possibles, et par tous les moyens possibles. Il n'est pas question de procéder à une recherche d'informations qui s'apparenterait à l'enquête policière, et qui se situerait en antinomie avec une position d'écoute du sujet. Ce qui comptera au cours des séances préliminaires, comme ensuite, au cours du processus rééducatif, si celle-ci est décidée, c'est ce que l'enfant apportera, lui, de son histoire, au cours des séances, ce qu'il en a retenu, élaboré, et non la connaissance d'une anamnèse qui se voudrait la plus précise possible.

Pour l'enfant, de même, c'est le temps de connaître un peu cet adulte qui lui propose de l'aider, et la fiabilité de sa parole, ainsi que celle du cadre de cette aide. C'est le temps qui lui est offert pour comprendre quel genre de travail tout à fait inhabituel lui est proposé au sein de l'école, et d'en apprécier, d'en évaluer pour son propre compte ce qu'il pourrait en retirer. C'est le temps avant de s'engager, le temps pour pouvoir vérifier s'il pourra ou non refuser cette aide, comme on le lui a annoncé, si sa parole et sa décision en seront respectées, le temps de voir s'il "n'est pas en train de se faire avoir" une fois de plus, sachant que seule la certitude qu'il peut avoir de pouvoir refuser, accrédite la valeur de son acceptation, si jeune soit-il.

Il est souvent avancé que "tout est dit au cours des premiers entretiens". Ce "dit" l'est souvent sous forme d'énigme et ne prend sens que beaucoup plus tard. Mais ce constat souligne l'importance de ces premières rencontres. Le récit de nos rencontres avec Ismène, confirmera que, de toutes façons, des choses importantes se disent, se jouent et se représentent. Moments fondamentaux d'une rencontre singulière entre un adulte et un enfant, ces séances préliminaires inaugurent la relation.

L'objectif des séances est clarifié à l'enfant, comme est annoncée la décision qui est attendue de lui après ce temps de connaissance réciproque préalable. Lui sont également, et ce, dès la première rencontre, énoncées les règles de fonctionnement, le cadre de travail.