La question sexuelle ne paraît pas du tout élaborée, dépassée.

Elle semble omniprésente, depuis les attributs féminins et sexualisés dont elle pare sa mère et dont elle me pare dans ses dessins, dans les coeurs, omniprésents, - elle me raconte même à plusieurs reprises qu'elle a "une calculette en forme de coeur"-, dans les histoires de mariage, et jusqu'à la représentation du "lit" du fermier. Le geste, esquissé mais vite dissimulé, nié, de l'accouplement des "amoureux", montre sans doute que le refoulement s'exerce, mais montre en même temps qu'il n'y a pas eu suffisamment d'élaboration, de déplacement, de changement d'objet, de sublimation. Le refoulement n'est sans doute pas suffisant, pour que la pensée soit désexualisée, pour qu'Ismène puisse investir ailleurs et pour qu'elle puisse entrer sereinement dans les apprentissages.

Le regard tient une grande place dans ses histoires: la grand mère regarde, "les handicapés" regardent, Aziz regarde la télé avant de partir "se marier", les femmes ont des "yeux bleus d'amoureux"...

Qu'en-est-il de la sublimation de la pulsion scopique? Qu'en est-il de sa représentation de la scène primitive et des théories infantiles qu'elle a pu élaborer? Qu'en-est-il de ce qu'elle peut savoir de sa propre naissance? de ce que font les parents ensemble? Où en est-elle des questions: "D'où viennent les enfants?" et "Où vont les morts?"

Elle sait que sa mère a failli mourir...Elle n'arrive d'ailleurs toujours pas à conjuguer cette peur au passé. Elle dit qu'elle veut faire "docteur pour faire sortir les bébés"..., ce qui articule à la fois son désir de savoir, de voir, et sa peur, puisque c'est un fragment de placenta resté dans le ventre de la mère qui a été à l'origine de la maladie de celle-ci. Ismène a-t-elle vu ou cherché à voir quelque chose qui concernait ses parents, ce qui représenterait une charge considérable de culpabilité et d'angoisse vis à vis du "voir"?...Est-ce vraiment "par hasard" que, justement, ce soit elle que les garçons ont choisie pour baisser la culotte à une fille? (Au cours de ce premier entretien, la mère avait rapporté un épisode semblable: elle avait surpris Ismène avec un garçon et une fille, culottes baissées, ce qui avait valu une démarche auprès d'une psychologue).

Où en est Ismène de l'acceptation de son sexe? Où en est-elle de l'angoisse de castration, de l'acceptation de la différence des sexes et des générations? Que vérifie-t-elle, dans cette répétition? Quand on sait que la lecture et l'écriture sont des activités autour du "voir" et de "l'entendre", ces éléments éclairent quelque peu les difficultés de la fillette à y entrer véritablement... Il semblerait que les solutions actuelles qu'elle a pu parvenir à élaborer, ne sont pas satisfaisantes pour qu'elle puisse se dégager de ces questions... Des éléments de la névrose infantile et de son mythe individuel restent sans doute à élaborer...La trilogie de ses dessins montre sa mère, puis la rééducatrice, puis "une princesse" qui demande à sa mère de se marier...et pour laquelle la mère refuse...Quelque chose sans doute de la triangulation, de la séparation, ne s'est pas joué, ou pas bien joué... Ismène semble avoir besoin de rejouer, de représenter ces différentes questions, encore et encore, dans un processus qui s'apparenterait à un tâtonnement expérimental, afin de trouver de "meilleures" solutions...