6 - Quelle est la capacité de l'enfant à faire face à l'angoisse?

L'angoisse naît d'une déliaison entre une représentation et un affect . L'angoisse est un phénomène normal, ordinaire. Tout sujet ressent de l'angoisse devant l'inconnu, devant une situation inhabituelle dans laquelle, de plus, il sait qu'il devra faire ses preuves, qu'il sera jugé, que ce jugement provienne de lui-même ou d'autres. Des mécanismes de défense peuvent cependant se mettre en place, comme une barricade qui tenterait d'empêcher le sujet de s'affronter à l'angoisse.

Une aide rééducative ou thérapeutique peuvent offrir à l'enfant une dimension contenante de son angoisse qui peut alors s'élaborer. Ces aides offrent à l'enfant des possibilités renouvelées de représentation, de symbolisation.

L'enfant parvient-il à exprimer, à élaborer, à symboliser son angoisse, à mettre des mots?

L'agressivité, la fuite, l'inattention, la rêverie, peuvent se présenter comme des modes de défense habituels de l'enfant face aux situations qu'il vit comme difficiles. La théorie psychanalytique considère le symptôme comme une tentative d'évitement d'un conflit psychique, comme une tentative d'évitement de l'émergence de l'angoisse.

Les difficultés d'attention, de concentration, ce que Pierre MARC (1983) nomme les "capacités de mobilisation" de l'élève, l'agressivité qui surgit sans raison apparente, peuvent être souvent, quoique non exclusivement, considérés comme des symptômes. Ils peuvent dans ce cas être l'expression d'autre chose, d'un conflit, d'une souffrance, d'insécurité intérieure, de perte de repères. Lorsque l'enfant ne parvient pas à transformer, à symboliser son angoisse, celle-ci peut le submerger, et le plonger alors dans la sidération. Ou bien il la nie, mais elle s'exprime autrement, se décharge, sous forme d'excitation, de symptômes moteurs ou corporels, d'agitation, d'hyperkinésie, d'explosions de violence incontrôlable, de passages à l'acte. Elle peut aussi s'exprimer sous une forme psychosomatique, maux de tête, maux de ventre, eczéma,...

Ismène semble ne pas avoir élaboré, dépassé, ses questions relatives à la mort, à la sexualité, à la naissance. Le passé douloureux de la séparation d'avec la mère, peut être, semble-t-il, ce qui retient la fillette "en arrière", car il lui est difficile encore d'en élaborer quelque chose, d'en parler... L'arrêt, volontaire de sa part, de l'aide psychologique dont elle a bénéficié l'année dernière semble en lien avec cette grande difficulté de mettre des mots sur cet événement. "Je voulais pas parler de ça", a-t-elle dit lors de l'entretien avec sa mère. Ses passages à l'acte répétés, ses mouvements pulsionnels (vols, agressions soudaines envers les camarades...) sont-ils le seul moyen qu'elle a pu trouver actuellement, pour ne pas avoir à s'affronter à une angoisse trop violente? On peut penser qu'elle aurait besoin de pouvoir symboliser, élaborer, transformer du réel en du symbolique. Les capacités de symbolisation dont elle a fait preuve à diverses reprises, laissent présager des possibilités "d'auto-réparation". Elle a montré sa capacité à symboliser, par le jeu, par le dessin et la parole, selon, donc, plusieurs registres. L'articulation du réel, de l'imaginaire et du symbolique peut donc fonctionner pour elle, dans sa fonction de recours.

Ne doit-on pas lui donner les moyens de représenter, de symboliser, d'élaborer et de métaboliser les questions qui sont en lien avec cette angoisse? Le moyen privilégié ne serait-il pas une voie indirecte, qui respecterait ses défenses actuelles contre l'angoisse, à travers des "re-présentations" détournées, à travers la fiction d'histoires inventées...déjà à distance..? Une rééducation dans l'école, pourrait lui offrir ce temps et cet espace de "tâtonnement expérimental" .