5- La "nécessité" d'une aide spécifique, qui pourrait être qualifiée de "rééducative". Le besoin d'un lieu et d'un temps "intermédiaires", pour des enfants en "difficulté normale", à l'école.

Confrontés à la question générale: "Y a-t-il, dans l'école, une place spécifique pour une action qui pourrait être qualifiée de "rééducative", et laquelle?" , dans notre première partie, nous avons pu établir que l'école, à un moment donné de son histoire, a éprouvé le besoin de créer en son sein un corps d'enseignants "intermédiaires", pour répondre à la difficulté de certains enfants. Dans cette deuxième partie, nous avons pu analyser au plus près en quoi consiste la difficulté de ces enfants. Il semble qu'ainsi, nous ayons pu apporter des arguments décisifs qui rendent compte de la nécessité de l'existence de l'aide rééducative, dans l'école.

Il avait été établi préalablement à la rencontre avec lui au sein de rencontres préliminaires, que, ni l'aide pédagogique du maître, ni l'aide spécialisée à dominante pédagogique, ne semblaient pouvoir répondre aux besoins de cet enfant. L'analyse approfondie de ses difficultés, de son impossibilité à apprendre ou à s'inscrire dans la collectivité scolaire, l'appréhension de ces difficultés comme pouvant être des symptômes d'un autre conflit situé sur le parcours qui conduit cet enfant à devenir élève, dans l'entre-deux entre la maison et l'école , permet d'affirmer qu'une aide, si elle peut lui être proposée à l'école, doit impérativement se situer différemment, par rapport à l'aide pédagogique . ‘ "S'il peut être aidé à exprimer ce qui n'a pu être vécu, à découvrir ce qui avait été tu, ce dont il a été dépossédé lui sera restitué et il pourra vivre son présent désencombré de son passé."(CIFALI, 1994, p. 25). L'enseignant ne peut le faire au niveau du groupe classe, même s'il peut oeuvrer dans ce sens; l'enseignant spécialisé ne peut pas non plus le faire au sein d'un petit groupe dont l'objectif, qui plus est, est pédagogique.

La question se posait alors, à l'orée des séances préliminaires, de la nature de la difficulté: "normale" ou "pathologique" de cet enfant, et, en conséquence, de la nature de l'aide qui pourrait lui être proposée. Une question, délicate, de "frontières", se posait, ainsi.

Des propos de psychologues ou de psychiatres d'enfants, viennent faire contrepoids à la parole de ceux qui voudraient médicaliser à outrance les difficultés rencontrées par l'enfant. ‘ "Il existe un double risque: celui de méconnaissance et de banalisation de troubles psychologiques graves et celui de médicalisation abusive des difficultés scolaires du fait même de l'intrication de ces troubles et de ces difficultés, parfois de l'apparence identique des symptômes qui les manifestent" ’, affirmait Dominique de PESLOUAN à Clermont-Ferrand (1991, p. 66). Une connaissance plus approfondie du parcours de tout enfant, des obstacles inévitablement rencontrés, des difficultés éventuelles, une meilleure connaissance des ressources dont un enfant dispose normalement à l'intérieur de lui-même, de celles apportées par son environnement, pour pouvoir surmonter les obstacles et les difficultés, s'imposait.

Nous avons pu souligner ce qui rend ce parcours difficile pour tous les enfants, nous avons pu en conclure que "les difficultés sont normales, dans un parcours difficile ". Nous avons pu souligner ce qui, du contexte, et des différentes élaborations de l'enfant, peut devenir étayage et ressources "auto-réparatrices" de cet enfant.

Un constat s'est imposé:

Il est nécessaire de ne pas médicaliser abusivement des difficultés "normales". Cette position justifierait pleinement l'existence, à l'école, d'une "rééducation" qui entend la difficulté de l'enfant comme une difficulté "ordinaire", "normale".

L'analyse des préalables psychomoteurs, cognitifs, affectifs, relationnels, a mis en évidence la nécessité d'un substrat sur lequel l'enfant peut construire ses apprentissages. Cette analyse permet d'affirmer que l'histoire personnelle de certains enfants, ne leur a pas permis d'achever l'élaboration de ces "postures" ou "compétences" ou encore "capacités préalables", ou bien qu'elle les contraint à un retour provisoire sur des positions dépassées. Ces enfants ne parviennent pas à s'inscrire dans les activités et la collectivité scolaires, donc à construire leur identité d'enfant-écolier-élève.

C'est de l'achèvement de la construction de ces préalables, ou de leur reconstitution, en amont des apprentissages, dont l'enfant a besoin en priorité.

L'enfant vit une difficulté psychopédagogique , située dans la zone médiane entre psychologie et pédagogie, sur son parcours qui le conduit de la maison à l'école.

L'école doit pouvoir offrir à cet enfant "un temps et un lieu d'aide intermédiaire".

Yves de LA MONNERAYE définit le recours au rééducateur comme:"une nécessaire ouverture du champ de la parole à un enfant qui est dans une tentative dynamique de surmonter un conflit réel..." ’ (LA MONNERAYE, 1994, p. 32).

La nécessité de répondre à ces besoins de l'enfant, nous paraît "justifier" pleinement la présence de la rééducation dans l'école.

Dans ces conditions, la rééducation devra, pour répondre aux besoins de cet enfant, pour l'aider à construire ou à récupérer la disponibilité des capacités et des préalables en amont des apprentissages, inscrire son intervention dans un "entre-deux" entre pédagogie et soin, à l'intérieur de l'école.

De ce fait, la rééducation peut prétendre avoir des objectifs pédagogiques. Il faudra alors prévoir, en conséquence, de définir les stratégies de cette rééducation. La pleine justification de l'existence de la rééducation dans l'école ne pourra être établie qu'en fonction des effets rééducatifs constatés. Ce sera l'objet de la troisième partie de cette recherche.

Les séances préliminaires ont, normalement, apporté des éléments de réponse aux dix questions énoncées. Cette première connaissance de l'enfant permet de proposer avec un minimum d'erreurs l'indication la plus appropriée pour cet enfant, et permet de répondre aux deux questions posées dès la formulation de la demande du maître: "thérapie", à l'extérieur de l'école, " ou bien "rééducation", au sein de l'école.

"Les difficultés de l'enfant relèvent-elles du soin ou d'une difficulté normale? D'une thérapie ou d'une rééducation?"

"L'aide peut-elle ou non être proposée au sein de l'école?"

En fonction des réponses à ces questions, quels éléments paraissent pertinents pour confirmer une indication de thérapie, ou bien pour poser une indication d'aide rééducative? Ils ont tous été annoncés, analysés, argumentés. Nous proposons d'en réaliser une synthèse.

Quels sont ces éléments?