La décision de rééducation.

Dans la grande majorité des réseaux d'aides 487 , en fin de compte, c'est l'enfant, et l'enfant seul qui décide de sa rééducation. C'est la condition première pour le considérer dans les faits comme un sujet, et qu'il se sente considéré comme tel. Cette décision est parfois modulée selon l'âge de l'enfant. Pour notre part, lors de l'avant-dernière séance préliminaire, nous posons la question à l'enfant du besoin qu'il ressent de ce travail, et de sa décision. Nous lui demandons d'en reparler à ses parents et de réserver sa réponse à la séance suivante. C'est ce que nous avons rapporté à propos d'Ismène. Cette question peut être posée à l'enfant en présence de ses parents, lorsqu'il est prévu de recevoir ceux-ci dans un deuxième entretien, comme nous venons de l'indiquer. Yves de LA MONNERAYE, dans cette même position, affirme:"...si on est rigoureux, c'est-à-dire si le travail de proposition de rééducation est correctement fait et bien cadré, (les enfants) sauront bien eux-mêmes l'accepter ou non selon qu'elle leur paraîtra utile ou non. Et cela est vrai pour n'importe quel enfant, quel que soit son âge, quelle que soit sa difficulté, mais aussi quelle que soit sa classe sociale." ’ (LA MONNERAYE, 1991, p. 29). Notre expérience personnelle de rééducatrice nous fait ajouter que les enfants, même très jeunes, comprennent très vite et d'une manière surprenante, ce qu'est une rééducation, surtout quand elle répond à leurs besoins (Cela ne pourrait-il pas devenir un "indicateur" de l'indication?"). Ils le comprennent beaucoup plus vite que certains adultes...

Ce premier acte du contrat rééducatif surprend souvent parents, enseignants et l'enfant lui-même. Ce dernier, mieux que par des discours, peut apprécier ainsi qu'il est vraiment considéré par le rééducateur comme un sujet responsable et digne d'une parole, digne d'être écouté, dans la mesure où la possibilité de refuser lui en est donnée. L'incitation faite à l'enfant à user de sa parole et de sa "décision", doit s'assortir de la garantie que cette parole et cette décision seront respectées, acceptées, même s'il s'agit d'un refus. L'enfant, même très jeune, y est sensible.

La démarche d'analyse pourrait se résumer ainsi:

  1. Feuille de demande de l'enseignant au réseau d'aides spécialisées;
  2. Rencontre entre une personne du réseau et le maître;
  3. Rencontre entre les parents, l'enfant, et la même personne du réseau;
  4. Premières hypothèses concernant ce qui se joue éventuellement pour l'enfant à l'école "derrière" le symptôme; une "pré-indication" est posée
  5. Séances préliminaires éventuelles avec l'enfant. L'objectif est de se connaître réciproquement; pour le rééducateur il est, de mieux connaître les difficultés mais aussi les capacités actuelles et les potentialités de cet enfant. Pour l'enfant, de connaître le genre de travail qui lui est proposé, et la personne qui le lui propose;
  6. Confirmation ou modification des hypothèses;
  7. Pose de l'indication en équipe, l'enseignant étant présent, ou rencontre ultérieure avec l'enseignant pour l'en informer;
  8. Si l'indication est une aide rééducative: rencontre avec les parents et l'enfant, puis acceptation de la rééducation par l'enfant.

Lorsqu'il s'agit d'une rééducation, et dans une métaphore faisant appel au tisserand, toutes les informations et hypothèses qui ont pu conduire à l'indication, celles qui continuent à s'élaborer ensuite, font partie de la chaîne du tissage, en articulation avec le cadre rééducatif posé par le rééducateur, et compte tenu de toutes les imprécisions et de toutes les erreurs possibles. Ce matériau servira à construire le projet rééducatif avec l'enfant. Que va proposer le rééducateur? Quel cadre de travail pour l'enfant? C'est par l'élucidation de ces propositions que nous devons aborder à présent ce qu'il en sera du processus rééducatif et de ses effets éventuels sur la reprise du développement de l'enfant, dans notre recherche de réponses à la question: "Qu'est-ce qui est rééducatif?"

Cependant, le tisserand est l'enfant. C'est lui qui a la responsabilité de la création de l'ouvrage, c'est lui qui monte la trame du tissage, qui en arrange, qui en organise, les différents composants. Il le fera, compte tenu de ses difficultés particulières, et grâce aux ressources dont il dispose. C'est la raison pour laquelle nous proposons, en page suivante, un tableau dans lequel a été repris ce qui a constitué le fil directeur de notre deuxième partie: "Quelques repères pour proposer une aide à un enfant en difficulté à l'école", en réponse à la deuxième question de la problématique de cette recherche: "Y a-t-il, dans l'école, des enfants relevant spécifiquement d'une rééducation?" Interrogeant chacune des aides soumises à nos analyses, nous avons voulu mettre en évidence, à quelles difficultés de l'enfant elles prétendaient répondre. Les ressources significatives de l'enfant, au regard des aides proposées, ont été spécifiées en ce qui concerne les deux interventions spécialisées à l'intérieur de l'école.

Tableau : Quelques repères pour proposer une aide à un enfant en difficulté à l'école
Tableau : Quelques repères pour proposer une aide à un enfant en difficulté à l'école
Notes
487.

Nous nous référons au travail d'échanges des pratiques entre rééducateurs de la Drôme, travail de groupe évoqué à plusieurs reprises. (En annexe: "Echanges de pratiques entre rééducateurs de la Drôme, 1996-1997). Cette position est en accord avec celles exprimées dans les revues professionnelles des rééducateurs: Erre, Actes des Congrès FNAREN, Envie d'école.