Comment organisons-nous nos analyses, et sur quels matériaux les étayons-nous?

C'est à un aller et retour entre théorie et pratique auquel nous allons procéder. La démarche clinique nous conduit à questionner notre pratique de rééducatrice. Les échanges quotidiens avec les collègues enseignants, des interrogations par la théorie psychanalytique, au sein de groupes de recherche et de groupes de supervision, nous ont conduite à définir et à préciser, les différentes dimensions de la pratique rééducative, à analyser et mesurer ce qu'impliquent différents choix, quant à ses propositions à l'enfant. Nous tenterons d'en rendre compte, d'une manière succincte. Les textes officiels de l'Education Nationale constituent le cadre législatif des pratiques rééducatives mises en œuvre au sein de l'école. Les publications professionnelles (Erre, Envie d'école, Actes des Congrès FNAREN...), comme outils de recherche et d'échanges, sont autant de références fiables pour rendre compte d'un consensus, quant à la pratique rééducative et à la théorisation de celle-ci. Nous avons rendu compte de la démarche de recueil des matériaux, de leur classement, et de la tentative de synthèse qui en a été faite, dans notre premier chapitre, méthodologique. Nous nous sommes impliquée dans la rencontre clinique. Nous nous y sommes risquée, à plusieurs niveaux: dans la conception des propositions faites à l'enfant, dans leur mise en oeuvre, dans les positions prises au moment de la rencontre, dans la lecture et l'analyse de ce que nous avons vécu avec l'enfant, dans les hypothèses émises, dans l'objectif d'une compréhension de la situation de l'enfant et de son évolution. Le "je" s'impose, dans la restitution des rencontres cliniques. La théorie psychanalytique apporte son étayage pour asseoir les positions rééducatives, et son éclairage, pour mieux comprendre ce qui se passe dans la relation, et pour chacun des partenaires de la relation. Elle est une voie de régulation par rapport à l'implication et à la subjectivité, et permet une certaine prise de distance par rapport au vécu, comme ont pu l'être, à certains moments, des échanges au sein d'un groupe de contrôle. Les analyses de la deuxième partie, constituent un réservoir de "savoirs constitués" et une référence précieuse pour tenter de comprendre où en est l'enfant de ses élaborations, de son développement.

Dans la restitution des cas cliniques, nous rechercherons ce qui a été une caractéristique de ce processus rééducatif singulier, ce qui, des propositions rééducatives, semble avoir eu un "effet" sur le déroulement du processus rééducatif de l'enfant, ce qui, de ce processus , semble avoir été facteur de changement, d'évolution, sur le développement de l'enfant, et enfin, les indicateurs de ce changement. Des observations, suivies de ces trois niveaux d'analyse, qui s'emboîtent, s'avèrent donc nécessaires. Nous mettrons en évidence, chaque fois que possible, ces articulations 493 . Ces grandes lignes, ces "traits" estimés pertinents, seront les matériaux des synthèses afférentes à chaque cas ou ensemble de cas cliniques, puis constitueront, à leur tour, l'ossature du "modèle" interprétatif de la rééducation, rendant compte de "ce qui est rééducatif".

Nous voulons mettre en évidence que c'est en changeant de place dans l'école, que le rééducateur peut offrir à l'enfant un lieu et un temps "intermédiaires", "un entre-deux" entre pédagogie et thérapie. Les analyses des rencontres cliniques avec l'enfant "rééduquant", devraient permettre de montrer que, placé dans des conditions favorables à son "auto-réparation", l'enfant retrouve et utilise ses capacités créatives, "re-construit" son histoire, élabore les capacités nécessaires pour pouvoir s'inscrire dans la culture, dans la collectivité scolaire et dans les apprentissages. Nous devrions alors pouvoir valider notre hypothèse de recherche, que nous avons formulée ainsi:

  1. Pour répondre à la difficulté normale d'un enfant qui ne parvient pas à devenir élève, il y a, dans l'école, une place spécifique pour une action qualifiée de "rééducative", située entre le soin et l'action pédagogique.
  2. C'est la possibilité donnée à l'enfant de reconstruire son histoire, dans l'entre-deux créé par le changement de place qu'opère le rééducateur dans l'école, qui permet à cet enfant d'élaborer les capacités nécessaires pour pouvoir s'inscrire dans la culture, dans la collectivité scolaire et dans les apprentissages.

“S’il est vrai que la rééducation est une activité spécifique, s’il est vrai qu’il existe une spécificité du projet rééducatif, on peut affirmer d’une part que ce projet est différent d’un projet éducatif, d’autre part qu’il est fondamentalement différent d’une psychothérapie.”
Jean-Jacques GUILLARME (1986, p. 6).

Notes
493.

Par une différence d'écriture et de présentation, caractères gras dans le texte, encadrés sous les titres et les sous-titres.