Chapitre IX.
La rééducation: une place à définir et à assumer dans l'école. Propositions à l'enfant.

L'enfant auquel s'adresse la rééducation, est un enfant dont la difficulté est "normale", mais qui est "en panne" sur le chemin de l'école, parce que sa pensée est encombrée par des préoccupations envahissantes, qui ne lui laissent pas la disponibilité pour apprendre. Nous avons précisé également que ces préoccupations ne lui avaient peut-être pas permis d'achever l'élaboration des capacités préalables nécessaires pour apprendre et pour s'inscrire dans les apprentissages. Pour d'autres, ces constructions ont peut-être été réalisées, mais leurs préoccupations les empêchent de les utiliser, ou bien les font revenir à des positions non compatibles avec une vie collective harmonieuse, ou avec leur inscription dans les apprentissages. Il s'agit donc de leur proposer une aide que nous avons définie comme "psychopédagogique", et devant se situer en amont des apprentissages, au point où les besoins de ces enfants semblent se situer. La nature "normale" de la difficulté de ces enfants, a fait écarter, pour eux, une aide médicalisée, ou apparentée à des soins, sous quelque forme que ce soit, et demande à l'aide rééducative de se situer dans un "entre-deux" entre pédagogie et soin, pour répondre aux besoins de ces enfants. Le "modèle rééducatif" descriptif, construit à partir des indications de la circulaire de 1990, peut être complété, à partir des analyses concernant "l'enfant - rééduquant" qui ont suivi. C'est de cette trame, encore succincte, que partent les rééducateurs, pour élaborer la praxis rééducative. Nous proposons en page suivante, un "modèle" rééducatif rendant compte de la praxis rééducative", dans l'état actuel de nos analyses, "modèle" explicatif encore très lacunaire, deuxième niveau de représentation du "réel rééducatif", qui tient compte du cadre général de la rééducation mis en regard des difficultés de l'enfant que nous venons d'analyser. C'est ce "modèle" qui devra être complété à présent, afin d'affiner les propositions du rééducateur à l'enfant.

Avant de pouvoir répondre à la question: " Qu'est-ce qui est rééducatif?", il nous faut connaître les propositions rééducatives faites à cet enfant. L'enfant "rééduquant" est élève d'une classe, qu'il continue à fréquenter normalement, et qu'il ne quitte donc que pour le temps de sa séance de rééducation. Une autre intervention pédagogique existe dans l'école: c'est celle du maître spécialisé dans une "aide à dominante pédagogique". Afin de définir la spécificité des propositions rééducatives, nous proposons de comparer celles-ci à celles des deux interventions pédagogiques qui existent au sein de l'école. Notre première question peut donc être formulée ainsi: Comment se définissent les propositions rééducatives, par rapport aux autres interventions, dans l'école?

"Modèle" rééducatif (2) prenant en compte la difficulté spécifique mais "normale", d'un enfant en difficulté scolaire.
"Modèle" rééducatif (2) prenant en compte la difficulté spécifique mais "normale", d'un enfant en difficulté scolaire. NB: En écriture standard, "modèle" rééducatif (1), élaboré à partir du texte de la circulaire du 9 avril 1990.

Nous avons rapporté la manière dont se sont construites les propositions rééducatives actuelles, à partir de l'articulation entre les directives des textes officiels, ce qui est ressorti de l'analyse de leur pratique par les rééducateurs, et les apports des théoriciens de la rééducation. Peut-on rendre compte de l'ensemble de ces propositions? Celles-ci constituent-elles un tout cohérent? De la réponse à cette question dépend la cohérence de l'intervention du praticien. Si nous nous étions référés, dès la construction du "modèle" rééducatif descriptif, issu des directives données par le texte de la circulaire de 1990, à ce que pourrait être une praxis, ce "modèle" s'est progressivement complété. Nous nous donnons comme tâche de construire un "modèle" explicatif de la praxis rééducative, dans ses propositions à l'enfant.

Il ne suffit pas qu'une pratique soit cohérente pour qu'elle soit opérante. Encore faut-il qu'elle soit pertinente par rapport à son objet. Ces propositions semblent-elles pouvoir répondre aux besoins spécifiques de cet enfant à qui elles sont destinées, quelle est leur pertinence? C'est en examinant les différentes dimensions des propositions, au regard de ce que nous savons de cet enfant et de ses besoins, que nous pourrons estimer leur pertinence. Nous savons cependant quecette pertinence ne pourra vraiment être validée qu'à l'aune de la clinique, dans ses "effets" sur l'enfant.

Les analyses de ce chapitre s'étayent sur la référence interne constituée par ce que nous ont appris nos deux premières parties. Elles s'organisent autour des trois pôles d'une praxis 494 :

  1. Le pôle axiologique,
  2. Le pôle praxéologique,
  3. Le pôle scientifique.

Au sein même d'une rencontre clinique, une partie de la praxis dépend de la responsabilité de l'aidant. Cette partie est élaborée avant la rencontre avec l’enfant, et lui est proposée sans négociation possible, repère stable, fixe, dont l'aidant se portera garant. Le processus mis en œuvre par les protagonistes de la rencontre, dépend en grande partie de ces conditions préalablement conçues, et maintenues.

Le premier niveau d'analyse est celui des objectifs généraux, des finalités, des valeurs et de l’éthique à laquelle ils se réfèrent. Ce sont ces dimensions que nous regroupons sous le terme générique de “pôle axiologique”, selon la définition qu’en donnent Philippe MEIRIEU et Michel DEVELAY (1992, p. 45).

Notes
494.

Les trois pôles d'une praxis ont été présentés au chapitre IV, point 5.