1-2-2- Une finalité visant à l’émergence d’un sujet autonome.

Les textes enjoignent l’école de ‘ "mettre l'enfant au centre du système éducatif" 500 . S’il s’agit d’aller au devant de l’enfant qui est là, dans sa réalité, en ajustant la pédagogie à ses besoins, en repensant les stratégies éducatives et didactiques, comment pourrait-on entendre cette instruction officielle, quelle serait sa traduction, dans le registre de l'éthique? Cette éthique pourrait être ‘ “cette attention obstinée aux conditions de possibilités de l’émergence des personnes”(MEIRIEU, 1991, p. 171). Tout éducateur, tout enseignant, peut faire le choix de s'inscrire dans le cadre d'une conception humaine de l'autre comme sujet, de la recherche de stratégies propres à développer son autonomie, sa responsabilité, sa liberté.

Lors de l’analyse des préalables nécessaires à l’apprentissage, il nous est apparu à quel point l’acte d’apprendre engage le sujet et son désir. Les différentes analyses du substrat nécessaire pour que s'élaborent les apprentissages, renvoyaient à une indispensable et préalable construction identitaire. Considérer le sujet en l'enfant, en se référant à la théorie psychanalytique, c'est admettre que celui-ci est mû par son inconscient, et que nombre de ses attitudes, de ses réactions, de ses symptômes, échappent à sa volonté consciente. C'est croire en l'effet de la parole. C'est reconnaître que le sujet doit advenir comme un sujet mû par un désir qui lui soit propre. C'est postuler que le sujet est responsable de ce qu'il construit à partir des événements qu'il subit, et c'est du moins l'assigner à cette responsabilité. Considérer l’enfant comme un sujet, pourrait se formuler au niveau de la rencontre avec cet enfant, par des présupposés et des principes d’action du type: ‘ “Je ne sais pas pour l’autre où est son bien, ce qui est bon pour lui...Tout ce que je sais de sa pensée, c’est lui qui peut me le dire à partir de sa parole, quelle que soit la forme de cette parole”. Considérer d’emblée le sujet comme actif, créatif, dans son rapport au monde, poser cette position comme un postulat et une projection sur l’avenir, lorsque l’enfant est dans la position de subir passivement les événements, renvoie ce dernier à sa part de responsabilité, et l’assigne à faire quelque chose pour lui-même. Lui offrir les conditions pour le faire, cependant, ne peut présumer à l’avance de ce que l’enfant en fera.

Qu'en est-il de l'inscription possible des partenaires éducatifs dans une éthique qui se réfère au sujet? "L'enjeu institutionnel est bel et bien de mettre en oeuvre le principe de différenciation, d'assurer que le sujet puisse échapper au magma et disposer d'une identité suffisamment différente - suffisamment autre - pour lui permettre d'accéder dans un circuit d'échanges avec d'autres", rappelle Francis IMBERT (1994, p. 112). Ce choix sous-entend de soutenir le paradoxe d’aider l’enfant à s'intégrer à des normes et à des attentes générales, tout en respectant son individualité, tout en l'aidant à s'exprimer et à se faire une place en tant que personne unique, dans une culture considérée comme le domaine de l’échangeable et du communicable. L’enjeu éthique consiste à: ‘ “ouvrir ce qui tend à se fermer, remettre en circulation ce qui s’immobilise dans un engourdissement mortifère, interpeller le désir, faire don de la parole, c’est-à-dire s’ordonner à la loi de l’obligation de l’échange" ’ (IMBERT, id., p. 122-123). Cette position revient à refuser de fermer les yeux sur la souffrance de l’autre, et de proposer ce qui est en son pouvoir, pour l’aider à s’en dégager.

Notes
500.

Loi d’Orientation sur l’éducation, BO spécial n°4 du 31 août 1989, p. 19.