1-3- La rééducation vise-t-elle une finalité “adaptative”?

Nous avons interrogé le concept d’adaptation. La rééducation, comme tout l’enseignement spécialisé, s’inscrit dans des actions "dintégration et d’adaptation scolaires”, comme l’indique, entre autres, le nom du “certificat d’aptitude” (ou CAPSAIS) 504 , qui signe l’entrée d’un professionnel de l’enseignement dans cette voie. Si, être capable de s’adapter au milieu dans lequel on vit, est un signe de santé mentale pour le sujet, un signe de “normalité”, comme nos analyses l’ont montré, faut-il pour autant en faire une finalité rééducative? Nous avons appréhendé la polysémie et l’ambiguïté de la représentation courante du mot “adaptation”. Yves de LA MONNERAYE (1991, p. 39) s’insurge contre une demande “d’adaptation” de l’enfant qui serait faite aux rééducateurs, par les instances hiérarchiques, adaptation envisagée selon une logique du “rouleau compresseur”. "Si on demande simplement aux rééducateurs d'adapter efficacement à l'école les élèves en difficulté, ’ ‘ s’insurgeait-il ’ ‘ , ils deviennent alors seulement un moyen - plus subtil peut-être que les autres, grâce à tout l'arsenal psychologique dont on les a armés - de mieux écraser et faire rentrer dans la norme tous ces enfants en difficulté, qui sont alors considérés et traités comme des déviants” ’.

Nos analyses nous ont fait considérer cependant certains processus adaptatifs comme des créations vitales du sujet. C’est dans ce sens, qu’un objectif adaptatif, entre autres objectifs, est concevable pour la rééducation. Aider un enfant à acquérir son autonomie, l’aider à “se séparer”, nous venons de le rappeler, c’est aussi l’aider à articuler son désir de liberté personnelle, et l’acceptation des contraintes inhérentes à toute vie sociale, ou encore à toute création, si l’on admet qu’il n’y pas de création sans contrainte 505 . Dans ce cas, cet objectif “adaptatif” n’est pas contradictoire avec un “grandir” de l’enfant, avec un accroissement de son pouvoir sur lui-même et sur le monde. ‘ "La rééducation est au service du vivre social de l'enfant." ’, affirmait Martine MAHINC à Valence (07-02-95), reprenant en cela les positions de Françoise DOLTO. Cette dimension est un des points qui la différencie d’une thérapie dans un champ psychanalytique, du moins sur le plan théorique 506 .

Dans l’optique d’un étayage aux processus créatifs de l’enfant, sans doute est-il possible de concilier les deux objectifs apparemment paradoxaux de l’intervention rééducative:

Cette sorte de “double-bind” soutenant la tension entre deux pôles contradictoires, “sois adapté et sois créatif”, fait pourtant partie de tout projet rééducatif.

Compte tenu de ces différentes approches, qu'en est-il de la place de la rééducation dans l’école, quant à ses objectifs généraux, ses valeurs et ses finalités, par rapport à l’action pédagogique? Quelle place doit-elle assumer?

Notes
504.

CAPSAIS: Certificat d'aptitude aux actions pédagogiques spécialisées d'adaptation et d'intégration scolaires.

505.

Nos analyses de la première partie, concernant l’élaboration de leur identité professionnelle par les rééducateurs, nous ont amenée à le vérifier.

506.

Les psychanalystes visent tous, en réalité, le "mieux être" et le "mieux vivre" de l'enfant, même s'ils avancent parfois, que la guérison est "de surcroît".