Concept issu de la théorie psychanalytique, le cadre est la partie fixe, prédéfinie par "l'aidant", partie non négociable, d'une action d'aide. Le cadre recouvre la partie méthodologique et technique de la praxis, et son pôle "scientifique" ou théorique. Il est référé au pôle axiologique. Sa cohérence en dépend. Le cadre est le versant de la maîtrise et de la responsabilité du rééducateur, celui-ci se portant garant de son respect. En tant que partie fixe, le cadre s'oppose au processus, mais le permet. Sans cadre, sans encadrement, sans limites, il ne peut y avoir de processus.
Les éléments du cadre de la cure psychanalytique ont été décrits par FREUD dès 1904, sous le nom de "procédé". WINNICOTT en 1956, parle de "setting". Ce terme est repris par les kleiniens. Pour WINNICOTT, le concept de cadre apparaît comme une application de celui du "holding" de la mère. L'accent est mis sur la part active prise par l'analyste dans "l'aménagement" des conditions les plus propices au déroulement du processus analytique. BLEGER (in KAES et al., 1979) semble avoir introduit une notion de cadre abstrait, conceptuel. Que propose-t-il?
La fusion primitive avec la mère serait le cadre initial de l’individu sur et grâce auquel va se construire son Moi différencié. Le cadre est la partie la plus primitive et la moins différenciée de la personnalité.C’est ‘ “l’élément fusionnel Moi-corps-monde, de l’immuabilité de laquelle dépendent la formation, l’existence et la différenciation (du Moi, de l’objet, de l’image du corps, de l’esprit, etc.)" ’ (BLEGER, id., p. 265). Le Moi et le non-Moi se construisent à partir des relations stables, de la présence-absence de la mère, des relations qui apportent gratification et frustration. La permanence, la sécurité et la continuité du cadre apporté par la mère, sont intériorisées progressivement par l’enfant. Le cadre serait le non-Moi. L’identité dépendrait de la manière de gérer ou de maintenir le non-Moi (BLEGER, in KAES et al., 1979, p. 258). Toute institution sociale, comme la famille, ou tout groupe, ou encore toute relation qui présente des caractéristiques de durée, de normes et d’attitudes, sont des institutions, des cadres, correspondant à des “non-Moi” 518 . Ils se retrouvent ‘ “dépositaires de la partie psychotique de la personnalité, c’est-à-dire la partie non-différenciée et non-dissoute des liens symbiotiques primitifs” ’ (BLEGER, in KAES et al., 1979, p. 263), présente chez tout individu. Ces cadres sont à la fois ‘ “délimitation de l’image du corps” et “noyau de base de l’identité” ’(id. p. 257). ‘ “L’identité se structure par l’appartenance à un groupe, à une institution, à une idéologie, à un parti, etc.” ’ (ibid.).Le cadre constitue alors “un étai” à la personnalité, un ‘ “récepteur de la symbiose” ’ (ibid. p. 260), ce qui permet à la personne, comme le fait le bébé en prenant appui sur sa mère, de développer son Moi.
José BLEGER distingue nettement cadre et processus, au sein de l'institution psychanalytique:
José BLEGER souligne qu'il est impossible d'explorer un processus sans maintenir les mêmes constantes (c'est-à-dire le cadre). Avant même que ne s'engage un quelconque processus (analytique ou rééducatif), un cadre est posé. Ce cadre, BLEGER le qualifie “d’idéalement normal” (id., p. 256) dans le sens où il parviendrait à être maintenu sans failles ni ruptures de la part des protagonistes. Le cadre, habituellement silencieux, muet et non pas inexistant, se manifeste par son manque, par sa rupture, par ses brèches, par la crise. ‘ “Toute crise fait apparaître l’existence du cadre et constitue une menace à l’égard du support principal du moi, c’est-à-dire vis à vis de la partie symbiotique de la personnalité.” ’ (KAES, 1979, p. 64).
Si le cadre, comme l’est la présence permanente des parents pour l’enfant, est nécessaire pour que se construise le Moi, le maintenir au-delà de ce qui est nécessaire, le réifier, peut entraîner enfermement et stagnation du développement. ‘ “Si sa construction (du cadre) ne peut se réaliser qu’à partir de la mise en place d’un certain nombre de règles, ériger celles-ci en un système amènerait à figer le processus psychanalytique.” ’ (GEISSMANN, 1986, p. 42).
A propos du cadre rééducatif, G. BIODJEKIAN (1987, p. 73) écrit: "Le cadre, c'est ce qui, fondamentalement, soutient l'enfant, y compris s'il se dilue; c'est comme un ventre qui lui permet d'exister quand bien même il n'existerait plus; c'est le corps du travail qui va s'engager avec un adulte."