5-2- Exploration des sensations, des émotions. Elaboration des vécus de déliaison, des angoisses. Un imaginaire encadré par le symbolique. Le faire-semblant permet à l'enfant d'introduire ce qu'il désire dans sa relation à l'adulte.

Par le jeu de cache-cache, la fillette pourrait tenter cependant de reconquérir une certaine maîtrise sur l'absence de l'Autre, sa mère, de s'assurer de son retour, d'élaborer peut-être quelque chose des vécus de déliaison qu'elle a connus: l'angoisse catastrophique d'abandon sans doute vécue par le bébé qu'elle a été, angoisse ravivée par ce récent et nouveau départ dans l'urgence de la mère. Elle semble tenter de s'en faire une certaine représentation verbalisée, donc symbolisée. Dans ce jeu, tel qu'il est mis en place avec Marie-Ange, la parole accompagne l'action de "faire-semblant". L'imaginaire est donc bien encadré d'ores et déjà par le symbolique .

Dans une forme ludique, elle n'est plus l'objet qu'on peut rejeter, oublier, mais elle peut occuper une place de "semblant d'objet a" C'est une "auto-réparation", comme dirait Jacques LEVINE, vécue dans le transfert avec la rééducatrice, à partir d'une répétition dynamique , constructive, car jamais tout à fait la même. Les rôles alternent. L'adulte et l'enfant changent de place, dans un processus primaire d'identification en miroir . Quelque chose semble avoir changé, bougé, dans la relation de Marie-Ange au monde. Celle-ci n'est plus tout à fait à la même place. Reprenant le terme "d'acte analytique" de Jacques LACAN (1967-1968), peut-être pouvons nous parler ici "d'acte rééducatif", c'est à dire d'un acte qui se révèle par ses effets 551 .

On peut émettre l'hypothèse que Marie-Ange a eu "besoin" de développer un jeu plus distancié, plus symbolisé d'abord, par l'intermédiaire de la trace graphique, (les "châteaux-créneaux" répétitifs qui "cachent les enfants") avant de pouvoir se mettre en jeu elle-même, en tant qu'objet éventuel de désir. Elle semble s'être assurée de la qualité de la relation, de sa capacité contenante, mais aussi peut-être de la capacité de la rééducation à être un lieu d'élaboration possible, avant d'aborder sa véritable question: "Que puis-je être dans le désir de l'Autre?" C'est la question fondamentale de l'aliénation du sujet, que pose Marie-Ange.

Cette question est posée en réalité à sa mère. Il est clair que Marie-Ange ne me met pas en place de "substitut maternel". Elle s'adresse à moi en tant qu'Autre, représentant possible du "Grand Autre", c'est-à-dire du lieu des signifiants, selon la terminologie lacanienne, signifiants qui la constituent en tant que sujet, et sujet d'un désir possible. Marie-Ange nous rappelle que le désir du sujet est désir de l'Autre d'abord, c'est-à-dire désir aliéné dans le désir de l'Autre , avant que de pouvoir, peut-être, être désir de sujet séparé. Cet Autre n'existe pas en tant que tel, il préexiste au sujet. C'est l'Autre du tissu des signifiants, l'Autre du besoin, l'Autre de la demande, l'Autre du désir, l'Autre dont la mère elle-même n'est qu'un représentant.

Marie-Ange, dans ce jeu de cache-cache, semble vouloir faire exister l'autre dans une relation duelle imaginaire . "Le sujet vit ces relations sur un mode qui implique toujours, de façon plus ou moins manifeste, son identification au partenaire". (LACAN, 1956-1957, p. 17).

Notes
551.

Tel que le décrit Augustin MENARD (1994).