Les processus transférentiels marquent de leur empreinte les débuts de la relation rééducative.

Le registre de cette relation transférentielle s'apparente pour l'enfant à la relation duelle, symbiotique , du jeune enfant à sa mère, marquée des processus primaires et de l'imaginaire, d'ores et déjà encadré par le symbolique . L'enfant qui vient en rééducation, semble avoir besoin de vivre dans un premier temps une relation imaginaire comblante, rassurante, dans laquelle ses fantasmes peuvent être exprimés, être représentés, dans laquelle il retrouve la possibilité d'asseoir, de consolider, sa sécurité de base et son narcissisme. L'enfant semble avoir besoin de retrouver quelque chose d'un lien social idéalisé, l'illusion d'une omnipotence qui caractérise les premiers lienssociaux de sa vie. Il semble avoir besoin de consolider ou de reconstituer ses capacités à faire fonctionner sa pensée, seul, mais en présence de quelqu'un, besoin de s'assurer de sa capacité d'accompagnement parental interne, avant de pouvoir affronter véritablement l'élaboration de ses préoccupations. A différents degrés, on peut retrouver cette phase vécue par Marie-Ange en rééducation, chez la plupart des enfants "rééduquants". Nous aurons l'occasion de le vérifier. Seule la durée de cette période varie en fonction de l'endroit où ils en sont de leurs difficultés, de leurs besoins.

Un substrat psychomoteur, affectif, relationnel, cognitif, est nécessaire à l'enfant pour aborder le milieu social scolaire et les apprentissages 557 . Il faut pouvoir se séparer du monde de la maison pendant ces trop longues heures, et il faut pouvoir se vivre comme séparé, différencié. Le monde scolaire est un monde sexué, fondé sur la séparation des temps, des personnes, des lieux, des activités. On ne peut se séparer qu'après avoir vécu l'illusion d'être "le seul qui compte", corrélé dans l'imaginaire avec "être le seul qui existe", après avoir vécu une expérience suffisamment bonne de "non - séparation". On ne supporte la frustration qu'après avoir appris ce que peut vouloir dire "être comblé", même si on réalise ensuite que ce n'était qu'une illusion...et le monde scolaire est un monde frustrant. On n'accepte l'existence des autres et on n'accepte de partager avec d'autres, que lorsqu'on a pu vivre une période pendant laquelle on a été le centre du monde, condition nécessaire à la construction du narcissisme, à la solidité du sentiment d'existence de soi. “Tu le gardes pour toujours?” demande Ismène à propos de son dessin que je range dans sa pochette. On n'accepte d'attendre, et l'école par excellence est une mise en application de l'expérience de l'attente, que lorsqu'on a appris viscéralement qu'un surcroît de plaisir peut venir après l'attente.

Cette première analyse du processus rééducatif permet d'apporter des éléments de réponse complémentaires à la question: "Quelle place la rééducation doit-elle assumer dans l'école?"

Notes
557.

Notre synthèse des Besoins devant être satisfaits pour pouvoir s'inscrire dans la collectivité scolaire et les apprentissages, conclusion du chapitre VII.